La méthode des compresses médicamenteuses chaudes (yao wei fa藥熨)
Auteur Abel Glaser
(Doctorant à l'Université de Médecine Chinoise de Chengdu, Chine)
© Institut Liang Shen de Médecine Chinoise
Abstract : Nous allons présenter la méthode des compresses médicamenteuses chaudes (yao wei fa藥熨法) telle qu'elle est inscrite dans le Nei Jing, voir la composition de la formule originelle et comprendre sa méthode d'utilisation. Puis nous discuterons de son application clinique contemporaine sur différentes pathologies en nous référant à trois comptes rendu de recherche concernant la toux infantile, l'énurésie et les douleurs articulaires. Pour conclure nous exposerons brièvement les conceptions de Wu Shangxian, médecine de la dynastie Qing qui écrivit un livre sur sa pratique clinique qui était uniquement fondée sur l'utilisation de méthode par voie externe pour traiter les pathologies internes, notamment les emplâtres (gao yao膏藥), mais il développa aussi l'utilisation des compresses médicamenteuses chaudes.
Mots clefs : méthode des compresses médicamenteuses chaudes (yao wei fa藥熨法), traitement externe, Nei Jing, Wu Shangxian.
1. Origine de la méthode des compresses médicamenteuses chaudes (yao wei fa藥熨法)
La méthode des compresses médicamenteuses chaudes (yao wei (1) fa藥熨法) est une thérapeutique très ancienne qui consiste à appliquer à la surface du corps, sur la peau du patient, une compresse de toile de coton contenant des substances médicamenteuses. La mention la plus ancienne de cette méthode vient du Huang Di Nei Jing où ce caractère est cité en tout 16 fois. Dans le Ling Shu il est fait mention 13 fois de cette méthode, dans le Su Wen il en est fait mention 3 fois. Cette méthode qui est considérée comme une des treize formules du Huang Di Nei Jing est expliquée en détail au chapitre 6 du Ling Shu où il est dit :
« Huangdi demanda : Comment se pratique l'introduction de la chaleur lors de la puncture [pour traiter] l'obstruction par le froid (han bi寒痹) ?
Qibo répondit : Pour puncturer les patients qui portent des habits en étoffe [les gens ordinaires] on utilise le feu pour chauffer [aiguille de feu], pour puncturer les gens nobles on utilise les compresses chaudes aux herbes médicinales (yao wei 藥熨).
Huangdi demanda : Comment utilise-t-on ces compresses chaudes aux herbes médicinales ?
Qibo répondit : On utilise 20 sheng [4000mL] d'alcool pur, 1 sheng [200ml] de shujiao [huajiao, pericarpium xanthoxyli], 1 jin [500g] de ganjiang [rhizoma zingiberis], 1 jin [500g] de guixin [rougui, cortex cinnamomi], ce sont les quatre produits [qui composent la formule]. Ils sont réduits en morceaux et mis à macérer dans l'alcool. On utilise 1 jin [500g] de fibres de coton, et une toile blanche, fine et longue de 4 zhang [un peu plus de 13m, 1 zhang vaut 3.3m] que l'on introduit aussi dans l'alcool. Placer [le récipient avec] l'alcool au centre de crottin de cheval et cuire à petit feu, le couvercle doit être sceller avec de la boue de manière à ce qu'il n'y ait pas de fuite, pendant cinq jours et cinq nuits, après lesquels on peut retirer les toiles et le coton que l'on met à sécher au soleil. Une fois sec on les remet à macérer, et on fait cela jusqu'à avoir utiliser entièrement le macérat. À chaque fois il faut faire macérer pendant un jour et une nuit avant de les retirer et de les faire sécher. Après le séchage on utilise les résidus [des herbes] et le coton que l'on place dans la longue toile pliée en deux [dans le sens de la longueur] puis on fait des sacs d'une longueur de 6 à 7 chi [soit à peu près entre 1.98m et 2.31m de long, 1 chi vaut 0.33m], de manière à obtenir six à sept sacs de toile [contenant les résidus d'herbes et le coton]. Avant de l'utiliser on réchauffe les [sacs de] toile sur des cendres de murier, et on les applique en compresses chaudes sur la zone atteinte par l'obstruction par le froid (han bi寒痹), afin de permettre à la chaleur de pénétrer jusqu'à la localisation de la maladie. Une fois [la compresse] froide on utilise un autre sac qui a été réchauffé [selon la même méthode que précédemment] et on l'applique en compresse chaude. On fait cela trente fois avant d'arrêter. Quand il y a transpiration on essuie le corps avec une des compresses, il faut aussi le faire trente fois avant d'arrêter. [Le patient] peut se lever et marcher à l'intérieur [de la maison], il ne doit pas être exposé au vent. Après chaque puncture il faut appliquer les compresses chaudes (mei ci bi wei每刺必熨) de cette manière la maladie guérira. C'est ce qu'on appelle l'introduction de la chaleur (nei re內熱). »
Cette méthode thérapeutique issue du Huang Di Nei Jing est une très ancienne méthode de traitement de l'interne par voie externe. Le Nei Jing considère que le pervers froid a pénétré dans les jing luo, il stagne pendant un temps assez long sans être éliminé, ce qui va provoquer une mauvaise circulation dans les méridiens, une nouure du qi et une stase de sang, qui vont engendrer la coagulation et la stagnation et finalement la douleur. Au chapitre 33 du Su Wen il est dit : « pour que le pervers survienne il faut nécessairement que le qi soit déficient », au chapitre 66 du Ling Shu il est dit : « Si le vent, la pluie, le froid ou la chaleur ne rencontre pas un vide [du qi correct du patient], le pervers ne peut pas, à lui seul, blesser l'être humain ». Encore dans le Su Wen au chapitre 3 il est mentionné : « Le qi du Ciel azuré est clair et propre, alors la volonté (zhi志) et l'intention (yi意) sont bien gouvernées, si on se conforme à ceci alors le yang qi est solide, bien qu'il y ait des pervers voleurs ceux-ci ne peuvent pas nuire ». Ces passages indiquent l'importance du qi correct dans l'apparition ou non des maladies. Dans le cas d'obstruction par le froid (han bi痹) la cause de l'invasion du pervers froid dans le corps est l'insuffisance du feu de mingmen, l'affaiblissement du sang du cœur et le manque de nutrition du foie et des tendons. C'est pourquoi le principe de traitement sera de tonifier le feu véritable de mingmen, de tonifier la source du sang du foie et du cœur, de débloquer et mettre en mouvement les jing luo et d'harmoniser le ying et le wei afin de traiter cette pathologie. Dans cette formule, l'alcool est de nature chaude et violente, il a la force de débloquer et de faire circuler dans les douze méridiens. Huajiao (pericarpium xanthoxyli) a une nature de pur yang, il peut faire communiquer le cœur et les reins. Ganjiang (rhizoma zingiberis) fortifie l'estomac et transforme le qi, cultive la terre pour produire le sang. Guixin (cortex cinnamomi) attire le feu pour qu'il retourne à sa source et réchauffe et nourrit le foie et les tendons. La combinaison de ces trois herbes piquantes et tièdes avec l'alcool mises dans un tissu et appliquées sur la zone douloureuse va pouvoir produire un effet favorable pour le traitement du déséquilibre. Le ying et le wei vont être débloqués, il va y avoir transpiration et élimination du pervers froid par l'externe.
Dans le Nei Jing cette méthode thérapeutique est aussi utilisée pour d'autres situations cliniques comme les maladies jue, les paralysies faciales, des maladies avec froid en haut et chaud en bas, des maladies aux tendons, etc. Par la suite et depuis cette méthode a été développée et utilisée pour le traitement de nombreuses pathologies, autant externes qu'interne en modifiant et en adaptant les herbes utilisées en fonction des cas cliniques. Par exemple on utilise xiaohuixiang (fructus foeniculi) cuit dans du vinaigre et appliqué en compresse chaude sur le bas ventre pour traiter les dysménorrhées. Le son de blé sauté avec du gingembre est appliqué en compresse chaude sur l'ombilic pour traiter les entérites chroniques. Pour traiter les douleurs lombaires on utilise du sel fin, baizhi (radix angelica dahuricae), rougui (cortex cinnamomi), jingjie (herba schizonepetae) et baishao (radix paeonia alba) sautés ensemble puis appliqué en compresse chaude sur les lombes. On utilise wuzhuyu (fructus evodia) avec de la peau de châtaigne réduis en poudre et mélangé à du son de blé sautés puis appliqués en compresse chaude sur l'ombilic pour traiter les diarrhées infantiles.
2. Exemples d'applications cliniques.
1. Traitement de la toux par vide de qi du poumon et de la rate chez l'enfant avec la méthode thérapeutique des compresses médicamenteuses chaudes.
Zhang Xuerong et son équipe ont effectué une étude portant sur l'utilisation de la méthode thérapeutique des compresses chaudes pour traiter la toux par vide de qi chez l'enfant. Les enfants de l'étude présentaient tous une toux depuis au moins six jours et un manque de force comme symptômes principaux, de la fièvre basse, de la transpiration spontanée et les selles molles comme symptômes secondaire. Les enfants ont été répartis en deux groupes, le groupe d'étude composé de 30 enfants et le groupe contrôle composé de 30 enfants également. Le groupe d'étude était composé de 18 garçons et 12 filles d'un âge compris entre 2 mois et 9 ans, moyenne d'âge : 3.6 ans. 6 cas avec une durée de maladie de 7 jours, 18 cas avec une durée de maladie comprise entre 7 et 14 jours, 6 cas avec une durée de maladie de plus de 14 jours. Parmi eux 12 cas de bronchiolite, 8 cas de pneumonie infantile, 7 cas d'asthme et 3 cas de bronchite. Le groupe contrôle était composé de 19 garçons et 11 filles d'un âge compris entre 1 mois et 10 ans, moyenne d'âge : 3.5 ans. 7 cas avec une durée de maladie de 7 jours, 19 cas avec une durée de maladie comprise entre 7 et 14 jours, 4 cas avec une durée de maladie de plus de 14 jours. Parmi eux 11 cas de bronchiolite, 9 cas de pneumonie infantile, 6 cas d'asthme et 4 cas de bronchite.
Méthode thérapeutique : Les deux groupes sont traités en médecine occidentale avec des anti-infectieux, des antispasmodiques et autres substances ciblant les différentes pathologies du point de vue de la médecine moderne. Pour le groupe d'étude on prépare en plus la formule suivante : baijiezi (semen brassica) 30g, zisuzi (fructus perillae) 30g, xiangfu (rhizoma cyperi) 30g, xixin (herba asari) 10g, xinyi (flos magnoliae) 30g. On mélange les plantes ci-dessus avec 30mL de vinaigre et 50g de sel et on met le tout dans un récipient que l'on place dans un four micro-onde et on chauffe à température modérée pendant 2 minutes. On sort du four puis on mélange à nouveau avant de replacer dans le four pour chauffer encore à température modérée pendant 1 minutes. On place ensuite les produits dans une gaze en coton et on noue la gaze, puis on applique la gaze chaude sur le dos au niveau du méridien dumai et du méridien de la vessie depuis le point dazhui (14DM) vers le point shenshu (23V) en mouvements de va et vient. Une dose par jour. Pour les enfants de moins de 4 ans on l'applique une fois par jour, pour les enfants de plus de 4 ans deux fois par jour. Le traitement est fait pendant 7 jours. Au bout de l'étude il est constaté que la toux, la dyspnée et les mucosités ont diminué plus rapidement chez le groupe d'étude que chez le groupe contrôle. Il y a 93.3% de taux d'efficacité pour le groupe d'étude et 76.6% de taux d'efficacité pour le groupe contrôle.(2)
2.2. Cas clinique d'énurésie par vide de yang traité par acupuncture et méthode wei熨.
Une patiente de 21 ans, pas encore mariée, vient consulter pour énurésie nocturne, la maladie dure depuis plus de 20 ans maintenant. Habituellement elle a des urines claires et fréquentes, la prise d'aliments et de boissons est réduite, il n'y a pas soif. Au moment de la consultation le teint est pâle sans éclat, les lèvres sont pâles, la langue est pâle avec un enduit léger blanc. Au toucher les mains et les pieds sont froids, sans chaleur. On diagnostique une énurésie par vide de yang. Le principe de traitement sera de tonifier le qi du centre, de renforcer le yang originel et de réchauffer et de faire communiquer le cœur et les reins. Lors de la première consultation nous sélectionnons les deux point zu sanli (36E), shang juxu (37E), xia juxu (39E), sanyinjiao (6Rt), yinlingquan (9Rt), taixi (3R), fuliu (7R) et shenmen (7C). Pour tous les points nous puncturons en méthode de tonification, et laissons les aiguilles en place pendant 30 minutes, pendant lesquelles nous manipulons les aiguilles 5 à 6 fois. Après avoir enlevé les aiguilles il est demandé à la mère de la patiente d'acheter 2.5 kg de gros sel, le soir juste avant le coucher elle va devoir le faire chauffer dans une poêle (jusqu'à ce qu'une fumée blanche s'évapore), elle va en mettre une partie dans un bol jusqu'à ras bord qu'elle va ensuite recouvrir avec une serviette propre doublée, puis nouer la serviette au niveau de la base du bol avec une ficelle (il faut serrer suffisamment afin que la serviette contienne le sel dans le bol). On prend le reste du sel que l'on met dans une autre serviette dont on va se servir comme d'un sac que l'on va légèrement aplatir et étendre sur la table de massage ou sur le lit. On demande à la patiente de s'allonger sur le dos de manière à ce que la serviette avec le sel chaud chauffe la zone lombaire au niveau des points mingmen (4DM) et shenshu (23V) (en chauffant autant que la patiente peut supporter). Ensuite on saisit la serviette à la base du bol au niveau du nœud que l'on avait préparer précédemment et on applique le haut du bol sur le point shenque (8RM), de sorte que la chaleur pénètre bien au niveau des lombes et au niveau du ventre, on prolonge l'application pendant 40 minutes. Deux jours après, lors de la deuxième consultation la patiente présente une vigueur, un appétit et un enduit lingual quasiment normaux. La fréquence des urines a diminué de manière évidente, avec une augmentation du volume urinaire à chaque fois. Le soir après la première séance d'acupuncture et après l'application de la compresse de sel chaud la patiente n'a pas eu d'énurésie nocturne, on continue donc le même traitement que lors de la première consultation. On revoit la patiente 4 jours après pour la troisième consultation, la patiente dit elle même que les urines fréquentes sont guéries. Après la deuxième consultation il n'y a plus eu de perte urinaire, les quatre membres se sont réchauffés, la vigueur, l'appétit, l'enduit et le pouls sont normaux. Cette fois on applique uniquement l'acupuncture sans continuer à faire faire l'application de compresses chaudes de sel (yan wei鹽熨) avant le coucher. Cinq jours après on revoit la patiente pour une quatrième consultation, elle n'a pas eu d'énurésie depuis une semaine, on utilise seulement l'acupuncture avec plus ou moins le même choix de point qu'auparavant afin de consolider le traitement.
Analyse : La patiente est une jeune femme à la fleur de l'âge, mais qui présente un teint sans éclat, une langue pâle, un léger enduit blanc, les mains et les pieds froids, c'est suffisant pour dénoter un état de vide de yang de la rate et de l'estomac. Le qi de la vessie n'est pas ferme, les urines sont claires et fréquentes et il y a énurésies nocturnes, il y a inappétence et pas de soif ce qui renforce l'évidence du syndrome de vide de yang. La patiente est atteinte depuis son plus jeune âge, la maladie dure depuis une vingtaine d'années, c'est un processus pathologique long. Au moment de la consultation en fonction de la symptomatologie et de l'historique de la pathologie il a été décidé d'utiliser l'acupuncture associé à la méthode de compresses chaudes de sel pour fortifier le qi du centre, tonifier le vide de yang et faire communiquer le cœur et les reins. Le point zu sanli (36E) est le point he du méridien zu yangming de l'estomac, les classiques disent qu'en cas de maladie aux entrailles il convient de soigner à partir des points he, c'est un point qui est choisi en priorité pour tonifier le vide et renforcer le yang. Le point shang juxu (37E) est le point he inférieur du méridien du gros intestin. Le point xia juxu (39E) est le point he inférieur de l'intestin grêle. Ces trois points appartiennent tous au méridien de l'estomac, ensemble ils peuvent fortifier le qi de l'estomac (le qi de l'estomac est la racine de l'être humain), augmenter la réception des aliments et leur transformation. Les points sanyinjiao (6Rt) et yinlingquan (9Rt) sont des points du méridien de la rate (les méridiens de la rate et de l'estomac sont couplés biao-li), ils sont la racine du Ciel postérieur, ils peuvent contrôler les urines, ils font circuler les liquides organiques aux quatre membres, en haut ils sont produits par le feu du cœur, en bas ils s'unissent à l'eau des reins. Ces deux points en tonification vont cultiver le qi du centre et nourrir la source des transformations. Taixi (3R) est le point yuan du méridien des reins, lorsque les organes sont malades il faut choisir des points parmi les douze points yuan. Fuliu (7R) est le point mère (métal) du méridien des reins, en cas de vide il faut tonifier la mère, les reins sont la racine du Ciel antérieur et la racine des douze méridiens, la résidence du yang originel (yuan yang元陽), ils ont la charge des selles et des urines, le méridien des reins et le méridien de la vessie sont couplés biao-li. Les transformations du qi (qi hua氣化) de la vessie et la fermeté et le maintien du qi de la vessie dépendent entièrement de la force du qi des reins. Ces deux point pris bilatéralement et en tonification peuvent rapidement rendre le qi des reins prospère, et rendre sa fonction de contrôle à la vessie. Shenmen (7C) est le point yuan du méridien du cœur, le cœur thésaurise l'esprit (shen神), il est l'organe empereur qui gouverne l'ingéniosité et l'intelligence. Lorsque les points du cœur, de la rate et des reins sont utilisés simultanément en tonification, cela forme une stimulation réciproque du trigramme de l'eau (Kan坎 ☵ ) et du trigramme du feu (Li離 ☲), c'est la situation de l'eau au dessus du feu de l'hexagramme 63 (Ji Ji既济) du Yi Jing, la réalisation, l'accomplissement.
䷾
(Hexagramme 63)
C'est la manifestation de l'unité du jing, du qi et du shen. L'utilisation de ces trois méridiens simultanément est aussi une méthode fréquemment utilisée par l'auteur pour traiter les comas et les pertes urinaires involontaires. Les trois points du méridien de l'estomac et les deux points du méridien de la rate peuvent tonifier le qi du centre. Les trois points du méridien de l'estomac et les deux points du méridien des reins forment le cinquième tronc céleste (wu戊, le yang de la terre, l'estomac) et le dixième tronc céleste (gui癸, le yin de l'eau, les reins), ensemble ils transforment le feu, et sont capables d'augmenter le yang du Ciel antérieur et de fortifier le feu de mingmen. La méthode des compresses chaudes avec du sel (yan yun鹽熨) appliquées sur les points shenque (8RM), mingmen (4DM) et shenshu (23V) a été souvent utilisée par l'auteur pour traiter des pathologies par vide de yang avec des résultats particulièrement bons. Shenque (8RM) est un point interdit à la puncture mais qui depuis l'antiquité est utilisé en moxibustion, application de compresses médicamenteuses chaudes ou d’emplâtres. Shenque (8RM) communique avec les cinq organes et les six entrailles, a des rapports avec les méridiens renmai, chongmai et zu shaoyin et est le point qui fait face au point mingmen (4DM). Le sel sauté et appliqué chaud en compresse pendant 40 minutes va aider la force du yang à atteindre les organes-entrailles, le renmai, le chongmai et le zu shaoyin et fortifier le yang de la rate et des reins. Mingmen (4DM) est un des points principaux du dumai qui est le principe directeur des méridiens yang, il gouverne le yang de l'ensemble du corps, il circule le long de la colonne vertébrale, tous les organes et entrailles se lient à la colonne vertébrale. Le point shenshu (23V) appartient au méridien de la vessie, il se situe à 1.5 cun à l'extérieur du point mingmen (4DM), à l'interne son qi communique avec les deux reins et appartient à la vessie. La méthodes de compresse chaude au sel appliquée sur ces points va faire communiquer la chaleur du haut et du bas, renforcer le yang originel et raffermir le qi de la vessie.(3)
2.3. Traitement des douleurs articulaires par la méthode des compresses médicamenteuses chaudes
Liu Yao a utilisé la méthode des compresses médicamenteuses chaudes pour traiter 120 cas de douleurs articulaires avec des résultats remarquables. Parmi les 120 patients du groupe test il y en avait 15 atteints de douleurs articulaires aux genoux, 12 atteints de douleurs articulaires à la cheville, 11 atteints de douleurs articulaires au poignet, 8 atteints de douleurs articulaires au coude, 28 atteints de douleurs articulaires à l'épaule, 24 atteints de douleurs articulaires cervicales et 22 atteints de douleurs articulaires lombaires. Il a élaboré une formule avec les herbes suivantes : weilingxian (radix clematis) 30g, haitongpi (cortex erythrinae) 20g, haifengteng (caulis piperis futokatsurae) 20g, sumu (lignum sappan) 10g, ruxiang (resina boswelliae) 10g, moyao (resina commiphorae) 10g, honghua (flos carthami) 10g, taoren (semen pruni) 10g, chuanxiong (rhizoma ligustici) 10g, danggui (radix angelica sinensis) 10g. En cas de syndrome de froid ajouter chuanwu (radix aconiti), caowu (radix aconiti kusnezoffii), qianghuo (rhizoma seu radix notopterygii), duhuo (radix angelicae pubescentis) et qinjiao (radix gentianae macrophyllae). En cas de syndrome de chaleur ajouter shigao (gypsum fibrosum), huangbai (cortex phellodendri), zhizi (fructus gardeniae), dahuang (radix et rhizoma rhei), shengdi (radix rehmanniae) et danpi (cortex moutan). Réduire toutes les plantes en poudre, ajouter 50mL d'alcool ou de vinaigre de riz, puis faire sauter jusqu'à faire roussir légèrement. Ensuite envelopper dans un tissus de coton et appliquer chaud sur la zone atteinte, la température doit être comprise entre 50 et 60°C, il faut faire attention à ne pas brûler la peau du patient. On utilise une dose par jour de la formule ci-dessus que l'on pourra appliquer trois fois par jour en réchauffant la préparation avant chaque emploi. Chaque application dure 30 minutes, dix jours constituent une cure. Dans la formule weilinggxian (radix clematis) est de nature tiède et de saveur piquante, c'est une herbe qui fait circuler et qui débloque, elle circule dans les douze méridiens, elle a pour fonction de chasser le vent et d'éliminer l'humidité, de débloquer les luo et d'arrêter la douleur. Pour le traitement des douleurs rhumatismales (feng shi bi風濕痹) elle pourra être utilisé autant en présence de froid que de chaleur, ainsi c'est la plante la plus importante de la formule. On l'associe avec haitongpi (cortex erythrinae) et haifengteng (caulis piperis futokatsurae) qui chassent le vent et éliminent l'humidité, débloquent les luo et arrêtent les douleurs. Sumu (lignum sappan), ruxiang (resina boswelliae) et moyao (resina commiphorae) forment une association de base pour mettre le qi en mouvement, activer le sang et arrêter les douleurs. Il conviendra de faire des modifications en fonction des situations cliniques et d'utiliser cette formule de manière souple. Dès que le qi et le sang sont en mouvement et que les méridiens sont débloqués les symptômes sont dissipés. Sur les 120 patients, après 1 à 3 cure de traitement avec cette méthode, il y a eu 76 patients entièrement guéris, 30 patients avec une amélioration notable et 14 patients pour lesquels il n'y a pas eu de résultat, soit 88.33% de résultat (contre 75% pour le groupe contrôle).(4)
5. Conclusion
Cette méthode de compresses médicamenteuses chaudes (yao wei fa藥熨法) est une méthode externe avec laquelle nous pouvons évidemment avoir de bons résultats sur les symptômes douloureux. Mais c'est une méthode que l'on peut également appliquer sur des pathologies de médecine interne, de gynécologie, de pédiatrie, de médecine externe, etc. Wu Shangxian (aussi appelé Wu Shiji, médecin célèbre de l'époque Qing, qui a vécu de 1806 à 1886, est le premier a avoir rédigé un ouvrage spécialisé dans les traitements par voie externe intitulé Li Yue Pian Wen (理瀹骈文). Il développa toutes sortes de méthodes externes de traitement comme les emplâtres médicinaux, les fumigations, les compresses médicamenteuses chaudes, les frictions, les applications externes, etc. Il indique : « les traitements par voie interne ou par voie externe empruntent des voies différentes mais ont un principe commun », que les traitements soient faits par voie interne ou par voie externe, ils se baseront tous sur les théories fondamentales de la médecine chinoise. En clinique, les théories médicales et les caractéristiques des herbes pour ces deux voies ne seront pas bien différentes, il y aura seulement une différence dans la méthode d'utilisation. Ce raisonnement guidera sa pratique clinique avec des résultats surprenants, il utilise les formules classiques et les formules contemporaines par voie externe et selon lui « la méthode pour sélectionner une formule d'emplâtre n'est pas différente de celle pour une décoction ou pour des pilules. Pour toutes les décoctions ou les pilules qui ont des résultats satisfaisants il est possible d'appliquer [la même formule] en emplâtre. Et ceci pas uniquement pour des formules comme Xiangsu san (Poudre de cyperus et feuille de perilla), shenzhu tang (décoction à base de ginseng et d'atractylodis macrocephalae), huanglianjiedu tang (décoction à base de coptis pour éliminer les toxines), muxiangdaozhi tang (décoction à base de saussureae pour guider la stagnation) ou zhulihuatan wan (pilules à base de succus bambusae pour transformer les mucosités) mais également pour des formules comme Lizhong wan (pilule pour harmoniser le centre), Xiaojianzhong tang (petite décoction pour fortifier le centre), Dajianzhong tang (grande décoction pour fortifier le centre), Tiaoweichengqi tang (décoction pour réguler l'estomac et rectifier le qi), Pingwei san (poudre pour équilibrer l'estomac), Liujunzi tang (décoction des six gentlemans), Liuweidihuang wan (pilule des six herbes à base de radix rehmanniae preparata), Yangxin tang (décoction pour nourrir le cœur), Guipi tang (décoction qui converge vers la rate) ou Buzhongyiqi tang (décoction pour tonifier le centre et augmenter le qi), qui sont des formules fréquemment utilisées », c'est-à-dire qu'il considère qu'il est possible d'avoir un effet dispersant autant qu'un effet tonifiant avec les méthodes externes. Wu Shangxian considère que « les principes pour les traitements externes sont identiques aux principes pour les traitements internes, les herbes pour les traitements externes sont les même que les herbes pour les traitements internes, seule la méthode est différente. Il n'y a pas deux sortes de caractéristique pour les herbes selon la théorie médicale, et les méthodes sont ainsi prodigieuses et fluctuantes (…) Bien que nous traitions par voie externe, ce n'est pas différent des traitements par voie interne ». Plus loin il continue en affirmant « tous les traitements externes avec les herbes se basent sur les principes des traitement interne », « au début je n'aurais pas osé dire que les traitements externes auraient certainement des résultats, jusqu'à ce que je fasse l'expérience personnelle auprès de dix-mille patients, puis j'ai commencé à reconnaître que les emplâtres médicinaux n'étaient pas différents des décoctions pour traiter les maladies, l'utilisation nécessite seulement certaines méthodes, et son écho est immédiatement vérifié. » Il conviendra donc lors de l'utilisation par voie externe de raisonner selon les principes habituels de la médecine chinoise, en faisant un diagnostic différentiel, en différenciant le yin et le yang, le froid et la chaleur, le vide et le plein. Wu Shangxian insiste sur cet aspect en notant : « lors du traitement externe on doit procéder comme pour le traitement interne, il faut d'abord rechercher la racine, qu'est-ce que la racine ? C'est comprendre le yin yang et connaître les organes et les entrailles. » Les méthodes thérapeutiques de ce livre méritent d'être utilisées et étudiées plus en profondeur.
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(1): Le caractère 熨 bien que prononcé « yun4 » la plupart du temps de nos jours, même par les plus grands professeurs d'université, doit être prononcé « wei4 » selon les dictionnaires de caractères anciens.
(2): Tiré de la Revue de médecine chinoise Guangming, février 2008, 23ème volume, pp 189-189 « Etude de l'efficacité thérapeutique de la méthode des compresses chaudes pour le traitement de la toux par vide de qi du poumon et de la rate chez l'enfant » de Zhang Xuerong et al.
(3): Tiré de la Revue d'Acupuncture et moxibustion de Shanghai, mai 2011, 30ème volume, « Etude d'un cas d'énurésie traité par acupuncture et compresses chaudes avec du sel » de Jiang Chuanyi.
(4): Tiré de la Revue académique universitaire de l'institut de médecine chinoise de Liaoning, mars 2006, 8ème volume, p. 89, « Observation clinique du traitement des arthralgies par la méthode des compresses médicamenteuses chaudes » de Lu Yao.
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