L’éthique médicale de Sun Si-miao

孙思邈的中医医德

 Traduction par Dr. Abel Gläser

Sun Si-miao (孙思邈581–682), originaire de Huayuan dans la préfecture de Jingzhao (actuellement district de Yaozhou, ville de Tongchuan, province du Shaanxi), fut un médecin éminent de la dynastie Tang.

Il choisit de faire du « salut du monde et du secours aux êtres humains » (ji shi huo ren 济世活人) la vocation de toute sa vie. Pour comprendre les propriétés des plantes médicinales chinoises, il parcourut montagnes profondes et forêts épaisses.

Sun Si-miao, de santé fragile dès l’enfance, se consacra résolument à l’étude du savoir médical. Dès sa jeunesse, il commença à exercer la médecine dans sa région natale, promouvant et incarnant la déontologie médicale. Il répondait toujours aux demandes de soin, se consacrant de tout coeur au secours des malades, et obtint ainsi d’excellents résultats thérapeutiques, gagnant un profond respect du peuple.

Entre 605 et 618, Sun Si-miao voyagea pour étudier dans la province du Sichuan, puis se retira au mont Zhongnan pour y pratiquer l’alchimie taoïste.

Il entretint une relation étroite avec le moine juriste Daoxuan (道宣) et écrivit de nombreux ouvrages sur l’alchimie interne taoïste.

L’empereur Taizong et l’empereur Gaozong des Tang le convoquèrent à plusieurs reprises pour lui confer des charges comme celles de docteur impérial ou de conseiller remontrant, mais il refusa systématiquement.

Ce n’est qu’en 673 qu’il accepta le poste de fonctionnaire de rang subalterne (cheng wu lang 承务郎), prenant la direction du Bureau impérial des médicaments (Shang Yao Ju尚药局), où il supervisait la préparation des remèdes destinés à la cour, les diagnostics et les traitements.L’année suivante, il démissionna en raison de la maladie. Il mourut en 682.

Au cours de plusieurs décennies de pratique clinique, Sun Si-miao compila leBei JiQian Jin Yao Fang (备急千金要方Prescriptions Majeures valant Mille Onces d’Or pour se Prémunir contre les Urgences) et le Qian Jin Yi Fang (千金翼方Prescriptions Complémentaires valant Mille Onces d’Or), qui témoignent du niveau atteint par la médecine au début de la dynastie Tang. Dans les dernières années de sa vie, il dirigea également la rédaction de la première pharmacopée offcielle au monde, le Tang Xin Ben Cao (唐新本草 Nouvelle Matière Médicale des Tang).

Après sa mort, Sun Si-miao fut vénéré sous le nom de « Roi des Remèdes » (yao wang 药王). Son mont natal, Wutai, fut renommé « Mont du Roi des Remèdes » (Yao Wang Shan 药王山), où l’on érigea temples, statues et stèles à sa mémoire.

L’éthique médicale (zhong yi yi de中医医德) de Sun Si-miao est consignée dans les deux premiers chapitres du rouleau 1 duQian Jin Yao Fang. Le chapitre 1, intitulé « Apprentissage et Pratique du Grand Médecin (da yi xi ye大医习业), discute du contenu de la formation du médecin. Le chapitre 2, intitulé « Compétence et Dévouement du Grand Médecin » (da yi jing cheng大医精诚), est assimilé à ce que l’on appelle généralement le « serment de Sun Si-miao », souvent mis en relation avec le serment d’Hippocrate (460-377 av. J.-C.), un des grands médecins de l’Antiquité en Occident.

Voici ces deux chapitres de Sun Si-miao :

1- Apprentissage et Pratique du Grand Médecin (da yi xi ye 大醫習業)

« Quiconque souhaite devenir un grand médecin doit impérativement maîtriser le Su Wen, le [Zhen Jiu]Jia Yi [Jing], le Huang Di Zhen Jing, le Mingtang Liuzhu, les douze vaisseaux méridiens (jing mai), les trois régions et neuf indicateurs (san bu jiu hou), les cinq organes et six entrailles (wu zang liu fu), la surface et l’intérieur (biao li), les cavités [des points d’acupuncture] (kong xue), la matière médicale (ben cao), les combinaison d’herbes médicinales (dui yao), toutes les Formules de la Trame (jing fang) de Zhang Zhong-jing, de Wang Shu-he, de Ruan He-nan, de Fan Dong-yang, de Zhang Miao et de Jin Shao. » (凡欲為大醫,必須諳《素問》、《甲乙》、《黃帝針經》、明堂流注、十二經脈、三部九候、五臟六腑、表裏孔穴、本草藥對,張仲景、王叔和、阮河南、范東陽、張苗、靳邵等諸部經方)

« Il faut également une compréhension subtile du yin et du yang, des arts de la destinée (lu ming), des différentes écoles de physiognomonie (xiang fa), des cinq craquelures après cautérisation de plastron de carapace de tortue (zhuo gui), et de la divination par les six combinaisons du neuvième tronc céleste (liu ren) duZhou Yi, tout cela devant être étudié à fond. Alors seulement peut-on être qualifé de grand médecin. » (又須妙解陰陽祿命,諸家相法,及灼龜五兆、《周易》六壬,並須精熟,如此乃得為大醫。)

« Autrement, on serait tel un aveugle errant dans la nuit, au moindre mouvement ce serait la chute ou la mort. » (若不爾者,如無目夜遊,動致顛殞。)

« Ensuite, il faut lire attentivement les présentes formules, en rechercher le sens subtil, y consacrer toute son attention et les approfondir avec persévérance, avant même de pouvoir prétendre parler de la voie de la médecine. » (次須熟讀此方,尋思妙理,留意鑽研,始可與言於醫道者矣。)

« Il est en outre nécessaire de parcourir une large diversité d’ouvrages. Pourquoi cela ? Car si l’on ne lit pas les Cinq Classiques (wu jing)1, on ignore la voie de la bienveillance (ren) et de la justice (yi). Si l’on ne lit pas les Trois Historiographies (san shi)2, on ne connaît pas les événements de l’Antiquité et des temps modernes. Si l’on ne lit pas les Maîtres divers (zhu zi)3, on ne peut pas contempler les phénomènes du monde et les comprendre en silence. Sans avoir étudiéle Nei Jing,on ne peut connaître les vertus de compassion, de bienveillance, de joie et de détachement4.Si l’on ne lit pas Zhuangzi et Laozi, on ne peut pas avoir confance dans les mouvements des corps véritables, et alors, les [divinations de] bonnes ou mauvaise fortunes, les restrictions et les interdictions surgissent à chaque pas. »

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1 – Les Cinq Classiques (wu jing五经) sontleShi Jing (诗经 Classique de la Poésie), leShu Jing (书经Classique des Documents), leLi Ji (礼记 Classique des Rites), leZhou Yi [周易 Mutation des Zhou, aussi appeléYi Jing(易经 Classique des Mutations)] et le Chun Qiu (春秋 Annales des Printemps et Automnes).

2- Les Trois Historiographies (san shi 三史) sont le Shi Ji (史记 Mémoires Historiques), le Han Shu (汉书 Livre des Han) et le Hou Han Shu (后汉书 Livre des Han Postérieurs).

3- Les Maîtres divers (zhu zi诸子) font référence aux diverses écoles de pensées classiques à partir de la période des Royaumes Combattants (475-221 av. J.-C.), avec Confucius (Kongzi 孔子) et Mencius (Menzi 孟子) pour le confucianisme (ru jia 儒家) ; Laozi (老子) et Zhuangzi (庄子) pour le daoïsme (dao jia道家) ; Zou Yan (邹衍) pour l’école duyin yang(yin yang jia阴阳家) ; Hanfeizi (韩非子) et Li Si (李斯) pour le légalisme (fa jia 法家) ; Deng Xi (邓析) et Yin Wen (尹文) pour l’école des logiciens [/dialecticiens] (ming jia名家) ; Mozi (墨子) pour le moïsme (mo jia墨家) ; Su Qin (苏秦) et Zhang Yi (张仪) pour l’école des politiciens (zong heng jia纵横家) ; Xu Xing (许行) et Chen Xiang (陈相) pour l’école des agrariens (nong jia农家) ; Lü Bu-wei (吕不韦) pour l’école éclectique (za jia 杂家) ; Sun Zi (孙子) pour les théoriciens de l’art militaire, etc.

4- L’expression en quatre caractères utilisée est un terme bouddhiste adapté ici à l’éthique médicale. La compassion (ci慈), c’est-à-dire« compatir à la souffrance » ; la bienveillance (bei 悲) c’est-à-dire « vouloir le bien d’autrui » ; La joie (xi喜) c’est-à-dire« se réjouir du soulagement du patient » ; et le détachement (she捨) c’est-à-dire« agir sans attachement au résultat ». Sun Si-miao reprend ici lesQuatre dispositions infnies du coeur(si wu liang xin四无量心) du bouddhisme pour décrire l’idéal du médecin en mêlant médecine taoïste et éthique bouddhique. (又須涉獵群書,何者?若不讀五經,不知有仁義之道。不讀三史,不知有古今之事。不讀諸子,睹事則不能默而識之。不讀《內經》,則不知有慈悲喜捨之德。不讀《莊》《老》,不能任真體運,則吉凶拘忌,觸塗而生。)

« Il faut en outre explorer en profondeur les phases d’essor et de déclin des cinq mouvements (wu xing), les sept luminaires (qi yao)5 et l’astronomie [/astrologie] (tian wen). » (至於五行休王,七曜天文,並須探賾。

« Si l’on est capable d’apprendre tout cela, alors rien n’entravera plus la voie de la médecine, et tout sera absolument parfait. » (若能具而學之,則於醫道無所滯礙,盡善盡美矣。)

2- Compétence et Dévouement du Grand Médecin (da yi jing cheng 大醫精誠)

« Zhang Zhan dit : “La diffculté de maîtriser parfaitement les formules de la Trame (jing fang) remonte à bien longtemps. De nos jours, certaines maladies sont similaires à l’interne mais différentes à l’externe ; d’autres sont différentes à l’interne et similaires à l’externe. Ainsi, l’excès ou la défcience des cinq organes et six entrailles (zang fu), la libre circulation ou l’obstruction des vaisseaux sanguins (xue mai), duqi nutritif (ying qi) et duqi défensif (wei qi), ne peuvent évidemment pas être discernées par les seuls organes de l’ouïe et de la vue ; il faut nécessairement d’abord interroger et examiner avec soin pour les connaître. Au niveau de la loge du pouce (cun kou), de la loge de la barrière (guan) et de la loge du pied (chi) le pouls du pouce [/pouls radial] peut être désordonné de manière superfciel (fu), profonde (chen), en corde (xian) ou serré (jin).L’écoulement des creux des points du corps (shu xue) ont des différences dans leur hauteur, leur bassesse, leur superfcialité et leur profondeur. La peau, les tendons et les os ont des différences d’épaisseur, de fnesse, de dureté et de souplesse.Seuls ceux qui emploient leur esprit avec subtilité et fnesse peuvent commencer à en parler.” » (張湛曰 :夫經方之難精,由來尚矣。今病有內同而外異,亦有內異而外同。故五臟六腑之盈虛,血脈營衛之通塞,固非耳目之所察,必先診候以審之。而寸口關尺有浮沉弦緊之亂,腧穴流注有高下淺深之差,肌膚筋骨有厚薄剛柔之異。唯用心精微者,始可與言於茲矣。)

« De nos jours pourtant, les gens poursuivent des affaires d’une extrême subtilité et d’une extrême fnesse avec un esprit d’une extrême grossièreté et d’une extrême superfcialité. N’est-ce pas là chose bien périlleuse ? »

« Si on ajoute à ce qui est déjà en excès, si on enlève à ce qui est déjà défcient, si on traverse de part en part ce qui est débloqué, si on bouche ce qui est bloqué, si on refroidit ce qui est froid, ou si on réchauffe ce qui est chaud, alors on aggrave lamaladie et on espère sauver ainsi la vie [de ces patients]. Moi je vois leur mort venir ! »

« Ainsi, les méthodes médicales et les divinations par carapace de tortue ou tiges d’achillée sont des arts dont la maîtrise est extrêmement diffcile. Puisqu’ils ne sont pas des dons conférés par les esprits, comment pourrait-on en saisir les subtilités cachées ? » (今以至精至微之事,求之於至粗至淺之思,其不殆哉!若盈而益之,虛而損之,通而徹之,塞而壅之,寒而冷之,熱而溫之,是重加其疾而望其生,吾見其死矣。故醫方卜筮,藝能之難精者也,既非神授。何以得其幽微?)

« Il existe dans le monde des ignorants qui, après avoir étudié les méthodes de la médecine pendant trois ans, prétendent qu’il n’est plus une seule maladie sous le Ciel qu’ils ne puissent traiter. Ce n’est qu’après trois années de pratique clinique à soigner des malades 

5- Les sept luminaires (qi yao七曜) sont le Soleil, la Lune et les cinq planètes visibles à l’oeil nu que sont Vénus, Jupiter, Mercure, Mars et Saturne.

qu’ils fnissent par comprendre qu’il n’est plus une seule méthode sur terre qu’ils puissent réellement utiliser. C’est pourquoi les étudiants doivent impérativement étudier de manière vaste et approfondie les sources de la médecine, avec persévérance et ardeur sans jamais se lasser. Ils ne doivent pas se contenter d’écouter des rumeurs pour prétendre maîtriser la voie médicale — ce serait s’induire soi-même profondément en erreur ! » (世有愚者,讀方三年,便謂天下無病可治;及治病三年,乃知天下無方可用。故學人必須博極醫源,精勤不倦。不得道聽途說,而言醫道已了,深自誤哉!)

« Tout grand médecin qui traite des maladies doit calmer son esprit(shen) et fxer sa volonté (zhi), ne pas avoir de désir, ne rien attendre,et faire naître en premier lieu une grande compassion et un coeur de commisération, en faisant le serment de soulager les souffrances des [êtres] qui possèdent un esprit (ling). » (凡大醫治病,必當安神定志,無欲無求,先發大慈惻隱之心,誓願普救含靈之苦。)

« Si une personne souffrante demande l’aide d’un médecin, celui-ci ne doit pas s’enquérir de sa condition sociale, de sa richesse ou de sa pauvreté, de son grand âge ou de sa jeunesse, de sa beauté ou de sa laideur, qu’il soit ennemi ou parent, bon ou mauvais ami, autochtone ou étranger, sage ou ignorant, tous les patients doivent être considérés de la même manière, comme s’ils étaient des proches parents. » (若有疾厄來求救者,不得問其貴賤貧富,長幼妍媸,怨親善友,華夷愚智,普同一等,皆如至親之想。)

« De plus, il ne faut pas [que le médecin] agisse avec circonspection et excès de précaution, ni qu’il soit anxieux de ce qui serait bon ou néfaste pour lui-même ou qu’il protège et épargne son propre corps et sa propre vie. En voyant les souffrances d’autrui, il faut les ressentir comme s’il s’agissait des siennes propres, avec une profonde affiction du coeur. Il ne devra en aucun casreculer devant les sentiers escarpés et dangereux, et de jour comme de nuit, dans le froid ou la chaleur, dans les moments de faim, de soif et d’épuisement extrême, il devra seconsacrer entièrement au secours du malade, sans chercher à paraître accompli ni à affcher le moindre mérite. C’est seulement ainsi que l’on peut être appelé un grand médecin. Si on agit à l’encontre de ces principes, c’est être un grand voleur parmi les êtres vivants. » (亦不得瞻前顧后,自慮吉凶,護惜身命。見彼苦惱,若己有之,深心淒愴。勿避嶮巇、晝夜寒暑、飢渴疲勞,一心赴救,無作功夫形跡之心。如此可為蒼生大醫,反此則是含靈巨賊。)

« Depuis les temps anciens,les sages illustres qui soignaient les maladies ont souvent sacrifé des vies [animales] pour secourir les gens en détresse. Bien que l’on dise que l’être humain est plus précieux que les animaux, cependant en ce qui concerne l’amour de la vie, êtres humains et animaux ne font qu’un.Nuire à l’un pour profter à l’autre entraîne une souffrance commune à tous les êtres – à plus forte raison pour les humains ! Tuer la vie pour secourir une vie nous éloigne encore davantage de la vie. C’est précisément pour cette raison que, dans mes formules, je n’utilise pas d’êtres vivants comme remèdes. » (自古名賢治病,多用生命以濟危急,雖曰賤畜貴人,至於愛命,人畜一也,損彼益己,物情同患,況於人乎?夫殺生求生,去生更遠。吾今此方,所以不用生命為藥者,良由此也。)

« Quant aux insectes comme les taons ou les sangsues, s’ils sont déjà morts lorsqu’on les trouve sur le marché, on peut les acheter et les utiliser, ils ne sont pas concernés par la règle [interdisant l’usage de la vie animale]. Prenons par exemple une substance comme l’oeuf de poule : en raison de sa nature encore indistincte, non séparée du chaos primordial, on peut, dans les cas extrêmement urgents et critiques, être contraint de l’utiliser à contrecoeur. Celui qui peut totalement s’en abstenir serait alors au-delà même des plus grands sages. » (其虻蟲、水蛭之屬,市有先死者,則市而用之,不在此例。隻如雞卵一物,以其混沌未分,必有大段要急之處,不得已隱忍而用之。能不用者,斯為大哲亦所不及也。)

« Quant aux personnes atteintes d’ulcérations, de plaies, de dysenterie ou d’affections purulentes et nauséabondes, que nul ne peut regarder sans répulsion, il ne faut éprouver envers elles que honte compatissante, pitié attristé et souci affigé, sans jamais laisser naître dans notre esprit la moindre pensée de rejet ou de mépris, tel est mon voeu profond. » (其有患瘡痍下痢,臭穢不可瞻視,人所惡見者,但發慚愧、淒憐、憂恤之意,不得起一念蒂芥之心,是吾之志也。

« Quant à l’attitude d’un grand médecin, il lui fautcultiver un esprit clair et une introspection profonde ; son apparence doitinspirer le respect, empreinte d’une dignité sereine, sans rigidité ni obscurité. Lorsqu’il examine les maladies et interroge sur les troubles, il doit le faire avecune attention extrême et une profonde compassion, observant minutieusement tous les signes sans en négliger le moindre détail, de sorte que les diagnostics et les prescriptions d’aiguilles ou de remèdes ne comportent aucune approximation. » (夫大醫之體,欲得澄神內視,望之儼然,寬裕汪汪,不皎不昧,省病診疾,至意深心,詳察形候,纖毫勿失,處判針藥,無得參差。)

« Même si l’on dit qu’il faut traiter rapidement les maladies, il est essentiel, face à la situation, de ne pas se laisser troubler : il convient toujours d’observer avec soin et de réféchir en profondeur. Il ne faut en aucun cas, au détriment de la vie humaine, se laisser aller à une précipitation imprudente pour se montrer habile ou rapide, dans l’espoir d’obtenir renommée et louanges — ce serait là un manque extrême d’humanité. » (雖曰病宜速救,要須臨事不惑,唯當審諦覃思,不得於性命之上,率爾自逞俊快,邀射名譽,甚不仁矣。)

« Par ailleurs, lorsqu’on se rend au chevet d’un malade, même si des soieries luxueuses emplissent la vue, il ne faut ni regarder à gauche ni à droite ; si des musiques se font entendre, il ne faut pas paraître en tirer du plaisir ; si des mets rares sont servis à profusion, il faut les goûter comme s’ils étaient insipides ; si des vins fns sont présentés en abondance, il faut les regarder comme s’ils n’existaient pas. Pourquoi cela ? Car lorsqu’une seule personne se sent exclue, c’est toute l’assemblée qui n’est plus joyeuse — à plus forte raison lorsqu’un patient souffre et endure une douleur incessante, comment le médecin pourrait-il alors se complaire dans l’aisance, se réjouir avec arrogance et suffsance ? Cela serait une honte à la fois pour les hommes et les esprits, un comportement que le sage parfait ne saurait adopter. Telle est en vérité la signifcation fondamentale de la médecine. » (又到病家,縱綺羅滿目,勿左右顧眄,絲竹湊耳,無得似有所娛,珍饈迭薦,食如無味,醽醁兼陳,看有若無。所以爾者,夫一人向隅,滿堂不樂,而況病患苦楚,不離斯須,而醫者安然歡娛,傲然自得,茲乃人神之所共恥,至人之所不為,斯蓋醫之本意也。)

« Quant à la conduite du médecin, il ne doit pas parler avec excès, plaisanter ou se moquer, rire bruyamment, faire tapage, discuter des affaires du monde, médire ou critiquer les gens, se vanter de sa réputation, ni dénigrer les autres médecins pour mieux vanter ses propres vertus. » (夫為醫之法,不得多語調笑,談謔喧嘩,道說是非,議論人物,炫耀聲名,訾毀諸醫,自矜己德。)

« Si, par hasard, [un médecin] guérit une maladie, et qu’aussitôt il lève la tête avec arrogance, qu’il affche une satisfaction de lui-même et qu’il se prétend unique au monde, voilà le mal le plus incurable qui puisse ronger un médecin. » (偶然治瘥一病,則昂頭戴面,而有自許之貌,謂天下無雙,此醫人之膏肓也。)

« Laojun a dit : “Lorsqu’un être humain pratique une vertu manifeste (yang), les autres humains le récompensent ; lorsqu’un être humain pratique une vertu cachée (yin), les mânes des morts (gui) et les esprits (shen) le récompensent. Lorsqu’un être humain commet un mal visible, les autres humains le punissent ; lorsqu’un être humain commet un mal caché, les mânes des morts (gui) et les esprits (shen) le châtient.” En examinant ces deux voies, peut-on encore douter de la justice des rétributions selon le yin et le yang ? » (老君曰:人行陽德,人自報之;人行陰德,鬼神報之。人行陽惡,人自報之;人行陰惡,鬼神害之。尋此二途,陰陽報施豈誣也哉。)

« C’est pourquoi un médecin ne doit pas se reposer sur ses talents ni se consacrer uniquement à la recherche de proft ; il doit entretenir un coeur entièrement tourné vers le soulagement de la souffrance. »

« Dans la voie du destin invisible, il recevra alors naturellement de nombreuses bénédictions. » (所以醫人不得恃己所長,專心經略財物,但作救苦之心,於冥運道中,自感多福者耳。)

« Il ne doit pas non plus, sous prétexte que son patient est riche et noble, lui prescrire des remèdes rares et précieux diffciles à se procurer, pour exhiber ses talents. Cela n’est nullement conforme à la voie de la droiture et de la mansuétude. » (又不得以彼富貴,處以珍貴之藥,令彼難求,自炫功能,諒非忠恕之道。)

« Puisque mon intention est tournée vers l’aide et le secours [des gens souffrants], j’ai voulu en parler de manière complète et minutieuse. Que les érudits ne méprisent donc pas la simplicité de mes propos. » (志存救濟,故亦曲碎論之。學者不可恥言之鄙俚也。)