Un cas clinique de Wu peiheng :
lorsque le yin extrême est semblable au yang.
Par Institut Liang Shen de Médecine Chinoise.
D'après ''吴佩衡医案'', ''Cas cliniques du Dr Wu Peiheng''
Résumé : Le cas présenté ci-dessous a valeur d’exemple unique et démontre la puissance thérapeutique de la pratique de la médecine chinoise ainsi que l’importance de la véritable distinction du froid et de la chaleur lorsque le yin extrême est semblable au yang.
Wu peiheng, que l’on peut qualifier de «maître courageux et audacieux du Huo Shen Pai», montre ici toute la finesse et toute la force que peuvent apporter la connaissance du Shang han lun et de la pensée clinique de Zheng qinan.
Un jeune patient nommé Qin, 13 ans, souffre d'une blessure par le froid 伤寒 avec fièvre qui ne baisse pas depuis plus de 20 jours. Son père est le directeur de l'hôpital provincial du Yunnan à Kunming et un médecin (médecine occidentale moderne) renommé. Il a essayé plusieurs formule pour traiter mais sans résultat et pense déjà qu' « il n'y a plus d'espoir de le sauver », à bout de ressources demande une consultation à Wu Peiheng :
7 janvier :
Fièvre depuis plus de 20 jours, plus légère le jour et aggravée la nuit, teint bleuâtre, noir, les pommettes sont rouges, la bouche et les lèvres sont sèches avec quelques croutes de sang, le jour comme la nuit il ne peut pas dormir, la conscience n'est pas claire, parfois il y a discours délirant avec agitation, les mains qui s'agrippent confusément (aux objets). Le patient demande de l'eau mais n'en boit seulement que deux ou trois gorgées, le pouls est superficiel et creux, sans force à la pression.
Wu pense qu'il s'agit d’un « Shang Han qui s'est propagée à shaoyin, le froid yin est trop abondant, le yin excessif repousse le yang, le cœur et les reins ne communiquent plus : celà produit une fausse chaleur à l'extérieur et un vrai froid à l'interne, c'est le yin extrême qui semble comme un syndrome yang. Bien qu'il y ai tout un ensemble de manifestations de chaleur et de sécheresse à l'extérieur, à l'intérieur le yin froid est déjà extrême et repousse le yang qui flotte à l'extérieur, il y a des signes d'échappement ». « la méthode consiste à utiliser de fortes doses pour soutenir le yang et à réprimer le yin, faire revenir le yang et favoriser la réception, faire communiquer l'axe shaoyin cœur-reins, ainsi il pourra se rétablir ».
Il utilise Baitong tang augmenté de rougui : fupian 250g, ganjiang 50g, congbai 4 tiges, shang rougui 15g (réduit en poudre, puis trempé dans l'eau et bu tel quel en attendant).
8 janvier :
La chaleur a baissé un peu, l'esprit est apathique, il n’y a plus de soif, mais la nuit il y a encore agitation.
Wu pense que c'est parce que les produits n'ont pas encore vaincu la maladie. Il faut donc augmenter la dose en utilisant la formule suivante : fuzi 400g, ganjiang 150g, fushen 50g, zhi yuanzhi 20g, dongxiang 5g, sheng gancao 20g, shang rougui (même méthode qu'avant), prendre deux doses par jour (une le jour, une la nuit).
10 janvier :
La chaleur du corps a diminué de 80-90%, l'enduit noir s'est réduit de 60-70%, les lèvres et la langue sont redevenues humides, le pouls est superficiel et paisible (huan缓). La maladie évolue bien. On utilise la même formule un peu modifié mais on garde le même dosage de 400g de fuzi, on continue à prendre une dose le jour et une dose la nuit jusqu'au 13 janvier, à ce moment là la maladie est stabilisée et la situation s'améliore. On continue encore 7 ou 8 jours pour rééquilibrer après la maladie jusqu'à la guérison complète.
Commentaire :
Les symptômes de fièvre avec bouche et lèvres sèches, pommettes rouges, agitation, insomnie, urines courtes et foncées, constipation, enduit lingual noir sec ressemblent à des manifestations de chaleur yang et pourraient faire penser à un syndrome yang. Mais avec le teint bleuâtre noir, le shen qui n'est pas clair, le fait qu'il n'y ai pas de prise de boissons, le pouls superficiel et vide Wu détremine qu'il s'agit d'un vrai froid interne avec fausse chaleur à l'extérieur.
De manière résolue Wu prescrit de fortes doses de Baitong tang sans ajouter aucun produits yin, avec une consultation par jour pour adapter la formule selon l'évolution du patient. Il commence par prescrire 250g de fuzi et atteint 400g par dose, et comme le patient prend une dose le jour et une dose la nuit, la dose de fuzi par 24h atteint de 800g et finalement le jeune patient sera sauvé de son état critique. Ce qui est remarquable c'est l'association de la force de la prescription et de sa lourdeur. La force des produit (notamment fu pian) permet de chasser le froid en profondeur et de rétablir le zhenyang, la lourdeur de la prescription permet de restaurer la communication entre Kan et Li en rétablissant fortement Qian (le ciel antérieur) au centre de Kan, rétablissant ainsi la communication entre le Rein et le Coeur. Par ailleurs, toute la finesse de Wu ici est de prescrire une dose le jour et une dose la nuit, ce qui va permettre de replacer le yang dans mouvement en cercle et de faire tourner la terre du centre (avec ganjang ou rougui) tout en préservant le trait faible de Li avec gancao.
Ainsi, au-delà de l'usage particulièrement impressionnant de fupian, on peut voir toute la capacité de la science médicale chinoise à appréhender le vivant dans sa globalité afin de preserver la vie.
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Institut Liang Shen de Médecine Chinoise
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1205 Genève