Extrait du Sikao Zhongyi
思考中医
Réflexion à propos de la médecine chinoise
- pour la transmission des théories du Shanghanlun –
Analyse du temps dans la nature et la vie
Prf. Liu Lihong
Traduit par le Dr Abel Gläser
"Chapitre 1. Discussion générale sur les études et la recherche en médecine chinoise
I. Fonder des connaissances correctes
1. L'importance des connaissances théoriques.
Par rapport à ma conviction et à mes sentiments envers la médecine chinoise, il s'est formé naturellement une sorte de mission avec une responsabilité que je ne saurais pas décliner. Je pense que tout un chacun à sa part de responsabilité de la grandeur ou de la décadence de la médecine chinoise. L'écriture de ce livre émane peut-être justement d'un sentiment de mission et de responsabilité. Donc j'espère vraiment qu'à travers l'écriture de ce livre je vais pouvoir sérieusement régler certains problèmes de la médecine chinoise, particulièrement les problèmes de la connaissance.
L'écriture de ce livre m'a demandé une préparation pendant les dix dernières années. On peut dire que la préparation est aboutie. Cependant au moment de prendre réellement la plume je ne sais pas par où commencer. J'ai toujours le sentiment que les problèmes de la médecine chinoise sont innombrables, mais lequel est le plus important ? Lequel est le plus essentiel ?
Vue par les gens ordinaires, la médecine chinoise est faite pour traiter les pathologies chroniques, ou alors dit autrement la médecine moderne traite le biao et la médecine chinoise traite le ben. Mais qu'est-ce que traiter le ben ? En réalité c'est simplement que pour les pathologies lourdes c'est la médecine moderne qui va aider à traverser l'urgence, le danger, la gravité et toutes sortes de mauvais pas, puis ensuite on permet à la médecine chinoise de venir conclure l'épisode, de venir rééquilibrer. C'est pourquoi on dit finalement que la médecine chinoise peut seulement traiter des maladies qui ne sont pas mortelles.
Mais selon d'autres personnes, la médecine chinoise est comme le coq qui chante, s'il chante le jour se lève et s'il ne chante pas le jour se lève aussi. Mais alors finalement qu'en est-il vraiment de la médecine chinoise ? Je voudrais lever ce problème de connaissances, ça me paraît essentiel.
a. L'état actuel de la médecine chinoise.
La compréhension de la médecine chinoise décrite ci-dessus n'est pas fortuite et elle n'est pas non plus sans fondement. Parmi tous les précédents étudiants en fin de cycle, il y en a beaucoup qui aiment venir me trouver pour me faire part de leur expérience personnelle. Ils ont tous une impression commune, ils sont encore très enthousiastes, ils ont confiance, et après avoir étudié 4 ans à l'université, ils espèrent tous que pour leur dernière année ils pourront avoir l'occasion d'observer les capacités de la médecine chinoise. Mais après une année de stage ils sont pratiquement tous désespérés et il ne reste que peu de leur enthousiasme envers la médecine chinoise. Pourquoi ? Un des aspects importants est que ce qu'ils ont vu de la médecine chinoise en clinique ne correspond pas à ce qu'ils s'imaginaient de ce qu'était pour eux la médecine chinoise à la base. Peu importe que ce soit dans les hôpitaux de médecine chinoise ou dans le département de médecine chinoise d'un hôpital de médecine moderne, la médecine chinoise fait figure de décoration. Ceux qui pratiquent la médecine chinoise n'ont pas confiance en elle, à la moindre difficulté ils se précipitent sur les médicaments modernes ou alors avec le traitement conventionnel de médecine moderne ajoutent un peu de médecine chinoise pour la forme. Et ceux qui veulent vraiment faire de la médecine chinoise n'ont pas de garantie au sein de l'institution.
Je me rappelle lorsque je venais juste d'être diplômé et que j'avais commencé à exercer dans un hôpital de médecine chinoise, l'hôpital avait fait une stipulation écrite qui disait que si on utilisait un traitement de médecine chinoise pour un patient avec de la fièvre et qu'après trois jours la fièvre n'avait pas disparu il fallait utiliser des médicaments modernes. Jusqu'à aujourd'hui je n'ai toujours pas compris comment on pouvait faire ce genre de règle dans un hôpital de médecine chinoise. Pourquoi les hôpitaux de médecine chinoise n'établissent pas une règle qui stipule que si on traite un patient fiévreux avec des médicaments modernes et qu'au bout de trois jours il y a toujours de la fièvre à ce moment là on doit utiliser des traitements en médecine chinoise ? La médecine chinoise en est réduite à ce niveau, évidemment ça ne peut que pousser les gens à avoir de la méfiance.
Hier une femme sur le point d'accoucher est venue me rendre visite pour me remercier avant d'aller mettre au monde son bébé. Quand elle était enceinte de 7 mois, à cause de la fatigue, elle a commencé à avoir des douleurs abdominales et des hémorragies vaginales signes précurseurs d'une fausse couche. Elle avait suivi un traitement de médecine moderne pendant une semaine mais il n'y avait eu aucune amélioration et comme elle avait déjà eu un historique de fausse couche elle avait peur. Puis un ami lui a conseillé de venir me voir en consultation. Après l'examen de la langue et du pouls je lui ai prescrit Huangqijianzhong tang, après la première prise les saignements se sont arrêté ; après la troisième prise les douleurs abdominales et les saignements ont tous cessé et l'appétit s'est aussi grandement amélioré. Après ça le patient a appelé sa mère pour lui annoncer que tout allait bien. La première phrase que sa mère a prononcé quand elle a appris cette affaire est : la médecine chinoise ça marche vraiment ? Le doute de la mère de la patiente reflète ce que la majorité des gens pensent au sujet de la médecine chinoise.
Cette année en mai j'ai accepté l'invitation à un symposium sur la recherche en médecine chinoise et je suis intervenu pour présenter un rapport de “discussion générale sur les études et la recherche en médecine chinoise ”. Après ma présentation un doctorant est venu me trouver pour discuter, d'un côté il montrait de l'admiration pour quelqu'un de ma génération (c'est-à-dire pas encore la cinquantaine) qui peut encore avoir un fort enthousiasme pour l'étude des textes classiques et la diffusion de leur connaissance, mais qui d'un autre côté restait perplexe devant ma conduite. À ce qu'on dit dans le cercle des doctorants, il y en a très peu qui lisent encore les textes classiques, et si l'un d'entre eux mettait sur son bureau un exemplaire du Huangdi Neijing il serait la risée de ses confrères. Quels sont les livres qui sont sur les bureaux des doctorants ? Ce sont des ouvrages modernes de biologie moléculaire.
Le cercle des doctorants est un cercle de haut niveau dans l'échelon administratif. Ils portent la responsabilité de la mission de modernisation de la médecine chinoise, donc il est naturel qu'ils lisent ces livres modernes. Mais pourquoi ne veulent-ils pas lire des livres de médecine chinoise et particulièrement des livres classiques de la médecine chinoise ? Je pense qu'il n'y a qu'une seule réponse. C'est qu'à leurs yeux la médecine chinoise est insuffisante, les classiques sont insuffisants, serait-il possible qu'il y ait encore quelque chose à percer à jour ? Je pense que le problème discuté ci-dessus, en comparaison avec d'autres problèmes, est bien plus grave. Tout le monde sait que les doctorants sont ceux qui très prochainement et très naturellement vont devenir les décideurs et vont montrer la voie, et quand ceux là seront vraiment au pouvoir que deviendra la médecine chinoise ? Ce n'est pas difficile à imaginer.
Alors il y a une question qu'on ne peut pas s'empêcher de poser qui est : la médecine chinoise que l'on voit aujourd'hui, la médecine chinoise que l'on connait maintenant, finalement reflète-t-elle ou pas ce qu'est vraiment la médecine chinoise ? Le niveau des médecins en médecine chinoise que l'on voit dans les structures de soin en médecine chinoise aujourd'hui peut-il être représentatif de ce qu'est finalement le vrai niveau de la médecine chinoise ? Où trouve-t-on le vrai niveau de la médecine chinoise ? Où est le point fort de la médecine chinoise ? Dans les temps présents ou dans l'antiquité ? Les différentes réponses qui vont naitre de cette question vont former des connaissances totalement différentes concernant la médecine chinoise. Si la vrai médecine chinoise est ce qu'on voit aujourd'hui alors ne vaut-il pas la peine de passer beaucoup de temps à l'étudier ? Ne vaut-il pas la peine de passer une vie entière à l'étudier de manière approfondie et à l'expérimenter avec toute notre vigueur ? Je pense qu'au début je ne pouvais pas ! À quoi bon s'enfoncer dans ces sables mouvants ? Dépenser autant d'énergie pour ne faire qu'un rôle de figurant. Alors pour comprendre vraiment ce problème j'espère que tout le monde ne va pas se laisser troubler par la situation des choses à l'heure actuelle et perdre sa confiance en la médecine chinoise.
b. La théorie en médecine chinoise reste-t-elle en arrière de la pratique clinique
Les dix dernières années le problème qui a été le plus souvent abordé dans le monde de la médecine chinoise c'est le problème du retard de la théorie par rapport à la pratique clinique en médecine chinoise. Pour n'importe quelle science c'est la théorie qui marche devant et l'application pratique qui suit doucement. Par rapport à ce point je ferai une discussion minutieuse par la suite. Ces dernières dizaines d'années pourquoi la situation de la médecine chinoise n'a pas la possibilité de percer ? Pourquoi les résultats cliniques ne sont pas meilleurs ? Lorsqu'on rencontre une forte fièvre qui ne baisse pas, finalement on va encore utiliser des antibiotiques, pourquoi ? Pourquoi en est-on arrivé à cette situation ? Les théories de la médecine chinoise se sont déjà formées pendant plus de deux milles ans, pendant cette période il n'y a pas eu de grandes percées ou de grands changements, ne serait-ce pas parce que la théorie reste en arrière et ne peut pas fournir plus à la clinique, fournir plus de guides efficaces ? La question de la théorie de la médecine chinoise qui reste en retrait de la clinique se pose logiquement.
Tout le monde peut réfléchir, si aujourd'hui la clinique en médecine chinoise est en retard, si le niveau de la médecine chinoise baisse, n'est-ce pas parce que la théorie est en retard ? Ce n'est pas du tout mon opinion. Au contraire, je pense que la théorie en médecine chinoise n'est pas restée en arrière et que dans beaucoup de domaine elle a de l'avance. Sur cela elle a des points similaires avec d'autres connaissances traditionnelles. Le célèbre homme de science de l'époque moderne monsieur Liang Shuming mentionnait : la culture traditionnelle chinoise, comme la culture confucéenne, la culture daoiste, la culture bouddhiste sont des caractères précoces de la culture humaine. Je pense que pour la médecine chinoise il en est de même, justement parce qu'elle a été précoce, et la portée de sa précocité a été trop grande, ce qui fait que jusqu'à aujourd'hui encore elle n'est pas en retard mais elle est même encore en avance ! Donc à l'intérieur du système de la médecine chinoise il n'existe absolument pas la question du retard de la théorie par rapport à la pratique. Vous pensez que la théorie est en retard par rapport à la pratique, vous pensez que la théorie ne peut pas vous guider dans votre pratique clinique. Et bien j'aimerais vous poser une question : connaissez-vous vraiment les théories de la médecine chinoise ? Vous maitrisez quel niveau de théorie en médecine chinoise, de théorie du Neijing ? Vous en maitrisez 100% ? si ce n'est pas 100% est-ce au moins 20 ou 30% ? si ce n'est même pas 20 ou 30% après avoir pratiquer la médecine chinoise toute votre vie finalement vous ne différencierez plus clairement le yin et le yang. Alors comment pouvez-vous dire que la théorie est en retard sur la pratique ? Les médecins aujourd'hui voient les théories en médecine chinoise d'une manière trop simpliste. Parce que c'est trop simple c'est comme le paysan dans la montagne. Mais en fait qu’y a-t-il de mal à la simplicité ? La simplicité c'est le plus haut des stades car c'est ce qui permet de retourner au soi originel et à la vérité de la vie ! Si vous ne connaissez pas encore vraiment les théories de la médecine chinoise ou tout au plus une sorte de semblant de connaissance, comment pouvez-vous dire si la théorie est en avance ou en retard ?
Le problème ci-dessus est un problème très grave, si on ne le connait pas bien, alors il est difficile de saisir le nœud de la situation de la médecine chinoise actuelle. Quelle est la cause de la relative baisse de niveau de la pratique clinique que l'on observe aujourd'hui ? Si nous faisons l'erreur de résumer ces causes par le retard de la théorie et d'aller chercher les causes dans les aspects théoriques, alors nous allons vraiment entrainer une régression, et nous serons vraiment en retard !
Je me souviens qu'après avoir obtenu mon diplôme de licence je faisais de la clinique dans l'hôpital universitaire. Une fois j'ai eu à traiter une femme de 60 ans atteinte de pneumonie. Quand elle est arrivée à l’hôpital la température était de 39,5°C, les leucocytes étaient proches de 20000 (?, surement 20 milliards), les neutrophiles à 98%, il y avait une grande tache sombre sur le poumon droit. Selon la médecine moderne c'est un cas grave de pneumonie. Quand une personne âgée est atteinte par une pneumonie ça peut facilement présenter des risques. Mais le débutant que j'étais comme le veau qui vient de naitre n'avait pas peur des tigres, et je voulais toujours tester les traitements de médecine chinoise et je choisis donc de traiter cette patiente en médecine chinoise. La différenciation de syndrome appartenait à la chaleur sur le poumon je prescrivis donc une formule pour clarifier la chaleur. Contre toute attente peu de temps après la prise de la décoction la patiente a eu la diarrhée, au début deux heures après la prise il y avait diarrhée puis progressivement une dizaine de minutes après la prise il y avait immédiatement diarrhée. Les diarrhées étaient comme de l'eau, et trois jours après son entrée à l'hôpital la fièvre n'avait toujours pas baissé et les autres symptômes n'avaient pas non plus diminués. En suivant les règles de l'hôpital si le lendemain la fièvre n'avait pas baissé il fallait traiter en médecine moderne. À ce moment là j'étais encore plus stressé que la patiente et je me précipitais alors chez mon maitre pour lui demander conseil. Après que mon maitre ait fini d'écouter ma présentation il dit que c'était une maladie combiné du biao et du ben de taiyin et yangming, chaleur sur yangming et froid sur taiyin, il faut clarifier la chaleur de yangming mais taiyin n'accepte pas les produits clarifiants et ainsi il y a diarrhée. Pour cette maladie il convient de traiter taiyin et yangming par des voies séparées. Les méthodes ne doivent pas être impliqué réciproquement. Par voie interne on va conserver la formule d'avant pour clarifier yangming, par voie externe on va utiliser Lizhong tang augmenté de sharen que l'on va réduire en poudre, mélanger avec du vin et chauffer et que l'on va appliquer sur shenque (神阙RM8) afin de réchauffer taiyin. Je me précipitais pour faire les préparations citées ci-dessus, vers 9 heures du soir l'application externe était faite, puis une heure plus tard environ la patiente prenait la décoction par voie interne. Après la prise il n'y eu pas de diarrhée. Le lendemain matin lors de la tournée de contrôle dans les chambres, je m'aperçus que la température de la patiente était redescendue à la normale et en une nuit les autres symptômes avaient aussi soudainement diminué. Pour cette maladie du début à la fin il n'a pas été utilisé de médicaments modernes, et après en un peu plus d'une semaine les symptômes d'inflammation d'une partie du poumon étaient complètement résorbés et la patiente a pu quitter l'hôpital.
Ce cas m'a laissé une impression très profonde, et m'a permis pendant les dizaines d'années de pratique, lorsque je rencontrais des résultats cliniques insatisfaisants, de ne jamais douter de la médecine chinoise ou de sa théorie. Alors, nous devons bien réfléchir à ce problème du retard de la théorie sur la pratique clinique. Une fois ce problème réglé, concernant la théorie nous pouvons être rassuré et avec courage la mettre en pratique. Quand nous rencontrerons un obstacle nous pourrons par la compréhension chercher le problème en nous-même et ne pas rejeter la faute sur la théorie. Évidemment si le problème est vraiment dans la théorie, que la théorie est vraiment à la traine, nous ne devons pas conserver cette théorie. Mais, en me basant sur mon expérience et mes observations, la plupart du temps les problèmes ne viennent pas de la théorie mais de nos connaissances.
c. Remarque sur le développement de la physique au 20ème siècle
Par rapport au problème ci-dessus je voudrais encore l'expliquer sous un autre angle. La relation entre la théorie et la réalité pratique, la théorie et la clinique est claire et nette. Concernant ce point, nous allons simplement nous souvenir un peu du développement de la physique pendant le 20ème siècle et ce sera très clair.
À la fin du 19ème siècle les classiques de la physique était déjà parvenus à un niveau extrêmement parfait de ce que peut imaginer l'homme. Les hommes pensaient peut-être que c'étaient les théories les plus abouties, les plus harmonieuses pour expliquer le monde. Mais en franchissant le 20ème siècle cette harmonie a été détruite. En se conformant à la fondation de la théorie restreinte de la relativité et après à l'établissement de la théorie générale de la relativité et à la mécanique quantique l'homme a transformé radicalement son point de vue sur le monde macroscopique et microscopique. La transformation des connaissances a abouti à une bouleversante transformation des applications techniques, depuis la technologie des vols spatiaux et de l'énergie atomique à la technique de la micro-électronique, jusqu'à aujourd'hui tous les changements que nous pouvons ressentir sont tous en rapport avec l'établissement de nouvelles théories. À l'intérieur de la structure des classiques de la physique, la technologie des vols spatiaux, des missiles nucléaires et les techniques de communication moderne sont difficilement imaginables. Si on revient sur le siècle passé nous nous rendons compte vraiment de l'importance de la théorie, la théorie a réellement restreint la mise en pratique et le développement des techniques. Alors cette sensation et cette expérience pouvons-nous en faire une raison au fait que la théorie de la médecine chinoise reste en retrait par rapport à la clinique ? Je pense que cette raison a une double importance, justement parce que nous voyons l'importance de la théorie qui peut restreindre la pratique et le développement technique, donc il importe encore plus de réévaluer nos connaissances actuelles, connaître à nouveau les théories de la médecine chinoise. Et regardons alors combien peut supporter la théorie des classiques de la médecine chinoise, jusqu'à où peut-elle s'étendre et finalement de combien est son avancé, est-ce qu'elle peut encore aujourd'hui nous guider dans la pratique clinique, et ne pas seulement la voir comme le résultat de deux milles ans d'histoire. Si cette théorie est effectivement restée en arrière, si elle ne peut vraiment pas s'adapter à l'époque moderne, alors il faut sans hésiter l'éliminer et fonder à l'intérieur du système de la médecine chinoise une “théorie de la relativité”. Mais si cette théorie n'est pas du tout en retard, si dans la structure des classiques il y a déjà suffisamment de théorie de la relativité, de physique quantique alors pourquoi faudrait-il la supprimer ?
À l'heure actuelle il y a un phénomène très étrange dans le monde de la médecine chinoise, c'est aussi un phénomène effrayant, qui est l'affaiblissement progressif de l'enseignement des classiques de la médecine chinoise. Dans la majorité des universités de médecine chinoise les classiques sont devenus un cours optionnel, même les universités bien renommée de Chengdu et Nanjing qui originellement accordaient beaucoup d'importance à l'étude des classiques ne font plus partie des exceptions. Ce genre de changement est-il un progrès ? Ça vaut vraiment la peine d'en douter. Tant que nous n'avons pas établi de nouvelles théories, tant que nous n'avons pas consciencieusement découvert les lacunes des théories traditionnelles, les classiques restent toujours le noyau de la médecine chinoise, les classiques sont toujours les fondements de la médecine chinoise, les classiques sont toujours une nécessité de la médecine chinoise. Comment peut-on faire du noyau et des fondements une option ? Est-ce qu'il y a des gens qui disent que les “théories fondamentales de la médecine chinoise” (中醫基础理论, une des branches de l'étude de la mtc actuelle) ne viennent pas du Neijing ? Que la “médecine interne”(内科, une des branches de l'étude de la médecine chinoise actuelle) ne vient pas du Shanghanlun ou du Jingkuiyaolüe ? Et qu'elles sont plus parfaites que le Neijing, le Shanghanlun et le Jingkuiyaolüe alors pourquoi ne pas les utiliser pour remplacer les classiques ? À dire vrai, les “théories fondamentales de la médecine chinoise” et le Neijing, la “médecine interne” et le Shanghanlun et Jingkuiyaolüe ce n'est fondamentalement pas la même chose, la différence est trop importante, comment parler de cela en un jour ? Je pense que j'aurai l'occasion de parler de ce problème plus tard.
C'est comme si quand la nouvelle physique n'avait pas encore été fondée on avait déjà laissé de côté les classiques de la physique, c'est quoi comme raisonnement ? Tout le monde peut réfléchir à propos de ça. Tout le monde sait que la théorie a besoin de la pratique pour être mise à l'épreuve, pour être expliqué, que ce soit en orient ou en occident partout c'est comme ça. Dans la science moderne, en raison d'un grand nombre de travaux d'experts remarquables la valeur de la théorie est évidente. Comme par exemple à partir des travaux de Fermi nous pouvons pleinement faire l'expérience de la fascination de la théorie de la physique quantique. Cela dit, pour le commun des mortels la théorie de la physique quantique et la théorie de la relativité ont quelle utilité ? Donc l'appréciation d'une théorie n'est certainement pas une chose facile. Dans l'histoire de la médecine chinoise sont apparus de nombreux personnages qui ont réussi à mettre en pratique les théories de la médecine chinoise, comme par exemple Zhang Zhongjing et Bian Que. Bian Que a mis en pratique la théorie des classiques au point de pouvoir faire revenir à la vie toute une génération de médecin divin. Zhang Zhongjing était parfaitement familiarisé avec les classiques pour finalement devenir un saint médecin. Pouvons-nous observer la valeur des théories des classiques à partir de Bian Que, Zhang Zhongjing et des autres médecins renommés de l'histoire, c'est comme si on appréciait la physique moderne à partir des travaux de Fermi ou d'autres scientifiques.
2 .Ce que le professeur Yang Zhenning connait de la culture chinoise.
Le 3 décembre 1999, le célèbre physicien Yang Zhenning avait répondu positivement à l'invitation de l'université de lettres de Hongkong et participa à une conférence dont le thème était “culture chinoise et science”. Lors de cette conférence le professeur Yang Zhenning utilisa un article assez long pour expliquer les particularités de la culture chinoise.
Le professeur Yang est un des plus grands physiciens du 20ème siècle connu du public, il a aussi une assez bonne connaissance de la culture traditionnelle. Donc en ce qui concerne la culture traditionnelle il doit avoir une opinion représentative et une force d'influence. On peut résumer les connaissances du professeur Yang concernant la culture traditionnelle chinoise par les points suivants :
Premièrement, la culture traditionnelle recherche la logique, alors que la science moderne recherche les lois de la nature. La logique qui est recherchée pour la culture traditionnelle n'est pas du tout dans les lois et les principes de la nature, par contre ce que recherche la science moderne sont les règles de la nature.
Différencier de cette manière la culture traditionnelle et la science moderne comme étant catégoriquement différente. La culture traditionnelle recherche la logique et ne recherche pas les lois de la nature, mais alors quelle est cette logique ? Le professeur Yang explique que cette “logique” est une sorte “d'essence”, “d'esprit”, une sorte “d'état”. Mais alors cette “essence”, cet “état” défini quoi au juste ? Serait-il possible que la science moderne n'aie pas d'essence, n'ai pas d'esprit ?
Deuxièmement, le professeur Yang pense que dans la culture traditionnelle il y a seulement la méthode inductive et qu'il n'y a pas de déduction logique. Tout le monde sait que dans le système de la science moderne pour effectuer des recherches il importe d'avoir les deux méthodes, une méthode inductive et une méthode déductive. Ce qu'on entend par induction, c'est le fait de résumer plusieurs phénomènes pour obtenir une connaissance, une définition, une théorie et de cette façon regrouper plusieurs choses en un point, en une connaissance. À l'origine les phénomènes semblent différents, mais par nature ils sont très proches. Donc, l'induction en réalité est une sorte de connaissance qui va de l'extérieur vers l'intérieur. La logique déductive est une autre méthode importante, c'est un processus très rigoureux, on va du 1 au 2 puis du 2 au 3, on ne peut le faire que dans cet ordre précis. La science moderne utilise l'induction et aussi la logique déductive, mais la logique déductive est son emblème. Dans la culture chinoise il n'y a que la méthode inductive, il n'y a pas la méthode de logique déductive, c'est ce qui fait une différence entre la tradition et la modernité.
Troisièmement, la culture traditionnelle manque d'expérimentation, manque de philosophie naturelle. Dans beaucoup de circonstances de nombreuses personnes pensent que la médecine chinoise et ses théories sont une science naturelle ou bien même disent que c'est une philosophie naturelle.
On voit que le professeur Yang dans son discours prend l'exemple de la médecine chinoise, il pense que la culture traditionnelle manque de philosophie naturelle, ceci évidemment rentre en conflit avec les opinions de beaucoup de personnes. Dans le domaine de la science moderne les expérimentations sont très importantes, dès qu'on quitte l'expérimentation on ne peut presque plus avancer. Il en est de même pour le département des sciences de “l'examen minutieux”. À l'époque où je faisais mon doctorat, les responsables des doctorants ont commencé à mettre en place une règle nouvelle qui était qu'excepté les doctorants qui étudiaient les textes et documents de la médecine chinoise (中医文献学) tous les autres devaient faire des recherches expérimentales. Donc on peut dire que j'ai été un doctorant chanceux car je n'ai pas fait de recherches expérimentales, ce qui a été profitable à mon directeur de recherches.
Dans l'histoire de la médecine chinoise il n'y a pas d'expérimentations, on n'a pas vu Huangdi demander à Qibo : ta théorie du yin yang a été découverte comment ? Est-ce que la découverte est passé par une expérimentation sur des souris blanches ? Évidemment que non. Donc en médecine chinoise et même dans d'autres sciences traditionnelles il n'y a pas d'expérimentation au sens moderne du terme, ceci est conforme à la réalité. Ci-dessus nous avons exposé les connaissances générales du professeur Yang concernant la culture chinoise.
3. Construction des théories理論 traditionnelles
Les connaissances du professeur Yang cités ci-dessus sont représentatives mais sont-elles exactes ? Est-ce que ça explique vraiment le contenu de la culture traditionnelle ? Sur ce point j'ai des opinions différentes. Bien que la culture traditionnelle possède de nombreuses branches et domaines, la médecine chinoise est celle qui est la plus représentative. Ci-dessous, en prenant l'exemple de la médecine chinoise je vais exposer mon point de vue dans l'ordre.
a. Que signifie “li” (理 : veines, fibres, vaisseaux, raison, logique, vérité, science naturelle, arranger, établir l'ordre,) ?
Tout d'abord nous allons nous attaquer au problème de savoir ce qu'est “li” (理). la culture traditionnelle va inlassablement chercher dans ce “li”, est-ce que c'est seulement une question d'essence et d'état, ou est-ce que ça renferme cette essence et cet état ? Nous pouvons d'abord étudier ce problème sous l'angle du caractère chinois.
Le Shuowen dit : “理,治玉也”, le caractère “li” signifie gouverner le jade, c'est-à-dire graver le jade. Après son extraction le jade va subir notre ciselage puis être poli et sculpté habilement pour arriver à la forme souhaitée et devenir un objet d'art. Donc le terme “li” désigne ce processus. Selon les anciens quelle était la substance la plus raffinée ? Le jade. Pourquoi le jade paraît aussi pur et délicat ? C'est en raison du fait que les veines du jade sont très fine. Tout le monde connait l'histoire du boucher Ding qui mettait en pièce un bœuf, quand il dépeçait la bête il ne voyait pas un bœuf (mais il se représentait uniquement tous les os, les muscles, les tendons et comme cela il n'utilisait pas la force et passait entre les articulations sans abimer son couteau qu'il pouvait utilisait des années sans le réaffuter). Pourquoi donc ? Parce qu'il était parfaitement familiarisé avec les “veines” du bœuf, il connaissait clairement toutes les orientations des muscles, en suivant ces orientations, ces “fibres” pour mettre en pièce un bœuf il était rapide et n'abîmait pas ses couteaux. Évidemment les fibres, les veinures, du jade sont beaucoup plus fine, donc lorsque on le traite il faut redoubler d'attention et connaître encore plus clairement ses “veines”. Si on suit ces “veines” pour graver et ciseler on va pouvoir confectionner un bel objet d'art ; par contre si on va à l'encontre de ces “veines” pour graver alors on va détériorer le jade. Ceci est le sens originel de li理. En élargissant on peut dire qu'en faisant ainsi on peut aboutir à quelque chose, si on fait autrement on n'aboutira pas. Pourquoi ? Parce que “li” ici produit une action. Nous pouvons tous réfléchir un instant, si ce “li” n'est pas une loi naturelle qu'est-ce que c'est ? On ne peut pas désobéir aux lois de la nature, aux principes de la nature, si on leur désobéit alors on ne peut pas aboutir. Un proverbe dit : “ s'il y a du “li” (si on va dans le sens des veines) alors on peut aller partout sous le ciel, s'il n'y a pas de “li” alors on ne peut pas avancer d'un pouce”. Le sens de “li” est exactement là. Si tu vas dans le sens favorable alors la route est ouverte, c'est le “li”. Le “li” de l'homme, le “li” du Ciel, le “li” de la nature sont tous ainsi. On doit suivre le “li” de la nature et être en bonne entente avec la nature afin de pouvoir cheminer sans obstacles ; le “li” des hommes c'est la manière dont nous nous entendons avec les autres personnes pour cheminer librement. Donc ce “li” n'est pas seulement un problème “d'essence”, “d'esprit” ou “d'état”. Ce “li” est quelque chose de très réel, on peut l'observer, on peut le toucher. Si on va dans un sens on va pouvoir errer librement mais si on va dans une autre direction nous heurterons le mur. Et l'essence est parfois inexistante, insaisissable, il est impossible de la saisir.
Si on parle en médecine chinoise il semble que ce “li”, cette loi, ce principe soit encore plus important. Et ce “li”, cette loi, ce principe quel est-il ? C'est simplement le yin yang et les quatre périodes (saisons) ! Ainsi dans le Suwen au chapitre 2 il est dit : “Ainsi le yin yang et les quatre saisons sont le début et la fin des dix milles êtres, la racine de la mort et de la vie. Si on va à leur encontre alors les désastres détruisent la vie. Si on s'y accorde alors les maladies sévères n'apparaissent pas. C'est ce qu'on appelle avoir acquis le dao.” ici pourquoi a-t-on utilisé les mots “dedao” 得道 (acquérir le dao) ? C'est une question très intéressante. Les mots “dedao” étaient très utilisé dans l'antiquité, acquérir le dao peut élever au Ciel, si même au Ciel ça peut faire monter alors qu'y a-t-il d'impossible ? Pourquoi a-t-on acquis le dao ? Parce qu'on a compris le “li”, on va dans le sens du “li”, donc évidemment qu'on va acquérir le dao, évidemment qu'on va pénétrer en terrain favorable. De nos jours pourquoi les vols spatiaux peuvent monter au ciel ? N'est-ce pas parce qu'on a mis au clair ce “li” qu'est la théorie de la relativité ? Donc ce “li”理, ce “dao”道, cette vérité (daoli道理) sont des mots très intéressants, c'était ainsi dans l'antiquité et c'est ainsi maintenant.
b. La combinaison de l'induction et de la déduction.
Est-ce que pour fonder la culture traditionnelle il y avait uniquement la méthode inductive ? Sur ce point je ne suis pas non plus d'accord. Le Suwen au chapitre 1 indique clairement : « Les hommes de la haute antiquité connaissaient le dao, ils se réglaient sur le yin yang et s'équilibraient à l'aide des techniques et des nombres(数术 : fait référence aux véritables méthodes d'entretien de la santé 养生法 yang sheng fa issues de la numérologie du Yijing. ». Ici il est dit qu'ils connaissaient le dao c'est à dire qu'ils avaient acquis le dao. Et pour acquérir le dao il faut nécessairement comprendre le “li”. Ici le “li” comprend deux aspects, le premier est le yin yang et le deuxième est l'utilisation des techniques est des nombres. Donc ici il y a deux problèmes, le yin yang exprime la méthode inductive, le Suwen au chapitre 5 dit : « le yin et le yang sont le dao du Ciel et de la Terre, le principe directeur des dix milles êtres, le père et la mère des changements et transformations, la racine et le commencement de la vie et de la mort, la demeure des Shen lumineux ». Les dix milles être du Ciel et de la Terre, les changements, la vie et la mort de toutes choses peuvent tous être résumé par le yin yang. Donc si on parle sous l'angle de l'induction, sur terre il n'y a pas plus parfaite méthode d'induction que le yin yang. Mais alors les “techniques et les nombres” ? Les “techniques et les nombres” sont manifestement l'aspect déduction, de toute évidence c'est l'aspect logique dans le sens traditionnel. Quand on discute de déduction et de logique on se doit de faire un lien avec les mathématiques, donc le professeur Yang pense que dans la Chine antique il n'y avait pas eu l'émergence des mathématiques et que c'est seulement vers le 16ème-17ème siècle avec la transmission des sciences occidentales qu'il y a eu le commencement des mathématiques. Les mathématiques au sens véritable du terme sont seulement arrivés au 20ème siècle, pendant les Qing et avec la république populaire de Chine, au début du 20ème siècle avec pour emblème le moment où ont été fondé les cours de mathématiques à l'université de Beijing. Mais alors dans la culture chinoise finalement y-a-t-il les mathématiques ? La réponse est évidemment que oui, les techniques et les nombres (数术) sont une connaissance en lien avec les mathématiques. Dans le Siku quanshu zongmu quand il est question de définir ce que sont les techniques et les nombres (数术) il est cité le passage ci-dessous : “les choses sont produites et il y a les formes, les formes sont produites et il y a les nombres, multiplier, diviser, déduire et expliquer, la tache consiste à connaître à fond les origines de la Création ; ce sont les mathématiques”. Bien sur ceci n'est pas la définition moderne du système de la logique mathématique mais on peut affirmer que ça appartient bien à une partie de la méthode déductive. Donc si on veut connaître le dao, si on veut vraiment saisir ce que sont les connaissances traditionnelles alors il faut saisir ce qu'est le yin yang et il faut comprendre les techniques et les nombres. Ainsi la culture traditionnelle fait la combinaison des méthodes inductives et déductives, il n'est pas possible qu'une des deux méthodes fasse défaut.
c. La réflexion par la raison et l'expérimentation intérieure
Lorsque le professeur Yang Zhenning dit que dans la culture traditionnelle il n'y a pas d'expérimentation il dit à moitié vrai. En effet dans la culture chinoise on ne voit pas d'expérimentation comme celle que l'on peut observer de nos jours. Si on parle pour le cas de la médecine il est certain qu'il n'y a pas d'expérimentation qui sont faites à l'extérieur du corps humain comme par exemple sur les lapins blancs, les souris blanches ou autres animaux. Cependant dans la culture traditionnelle il existe de très subtiles et profondes expérimentations, c'est une chose qu'on ne peut pas nier. Et exactement parce qu'il y a la combinaison l'expérimentation intérieure et de la réflexion par la raison qu'on a pu produire la culture traditionnelle, qu'on a pu construire les théories de la médecine chinoise. Évidemment le problème de l'expérimentation n'est pas facile à exprimer clairement, pourquoi ? Parce que l'expérimentation intérieure ce n'est pas disposer quelques souris blanches que l'on peut observer, que l'on peut palper, c'est pratiquer des exercices énergétiques sur soi-même afin de réaliser une certaine aptitude. Une fois qu'on possède cette aptitude, on peut effectuer toutes sortes d'expérimentations qui sont différentes de celles pratiquée sur les organismes extérieurs. Donc c'est un problème qui n'est pas facile à discuter, mais il n'est pas possible de ne pas en discuter. Si on parle de culture traditionnelle et qu'on évite ce problème, alors nous devrons nous baser sur la méthode ci-dessus pour comprendre la culture traditionnelle. Et là vont apparaître deux situations, ou bien la médecine chinoise ne possède pas l'expérience médicale de la structure théorique, ou bien la théorie de la médecine chinoise se base seulement sur la réflexion pour obtenir un résultat. Tout le monde peut réfléchir un peu, si on se base seulement sur la réflexion pour obtenir une théorie est-ce que ça vaut la peine de s'y fier ? On peut aussi réfléchir au fait que la médecine chinoise avec ses nombreuses théories et ses nombreux faits peut-elle seulement être basé sur la réflexion ? Par exemple les méridiens et les points d'acupuncture, peut-on les inventer par la réflexion ? Par exemple fengchi VB20, fengfu DM16, en se basant sur quelles réflexions peut-on arriver à inventer ces points qui portent ces noms là ? En se basant sur quelle réflexion peut-on arriver à avoir le trajet de la circulation des méridiens shaoyang et des méridiens taiyang ? Je pense que ces choses là, même le plus intelligent des hommes ne peut pas arriver à obtenir cela par la réflexion. Si vous ne me croyez pas essayez d'obtenir quelque chose comme cela par votre réflexion pour voir. Évidemment s'il n'y a pas la participation de l'expérimentation intérieure, s'il n'y a pas la participation subtile et profonde de l'expérimentation ce n'est pas possible. Donc nous avons toutes les raisons de croire que la culture traditionnelle, et spécialement la médecine chinoise, dans le processus de formation de ses théories, il y a la réflexion et l'expérimentation. Dans la culture traditionnelle que l'on ne parle pas “d'expérimentation” ne tient pas debout. Nous avons juste des raisons de différencier l'expérimentation intérieur et l'expérimentation externe moderne, mais il n'y a aucune raison de nier l'expérimentation intérieure. Ce point ne doit pas être confus.
Ainsi, la réflexion par la raison et l'expérimentation subtile et profonde sont les fondements de la tradition, les théories qui ont été établi sur ces bases méritent entièrement la confiance. Le problème est pourquoi de nos jours beaucoup de gens croient que dans la culture traditionnelle il n'y a pas d'expérimentation ? Parce qu'il est très difficile de s'imaginer ce qu'est l'expérimentation intérieure. Par exemple les jingluo, autrefois Li Shizhen avait dit que les passages souterrains que sont les jingluo, s'il n'y a pas une inspection interne et une observation de l'envers, il est difficile de dire leurs trajets. Qu'est ce que l'inspection interne et l'observation de l'envers ? C'est typiquement l'expérimentation interne. Lorsqu'on possède la capacité d'avoir les preuves intérieures, alors on peut voir les méridiens et les points d'acupuncture. Mais selon les expérimentations de la science moderne il n'y a rien à voir, et même avec les moyens technologiques les plus avancés on n'observe toujours rien, alors vous pouvez entièrement ne pas y croire, donc la difficulté est ici.
Pour pouvoir effectuer l'expérimentation intérieure mentionnée ci-dessus, il est nécessaire que la partie principale possède une certaine maitrise de soi et une certaine aptitude, si dans notre propre corps nous ne possédons pas les conditions et les capacités pour l'expérimentation intérieure, pouvons-nous avoir cette perception directe, cette intuition ? La science a aussi besoin de perception directe. Einstein lui-même à certain haut niveau avait la foi en la perception directe, en l'intuition. S'il n'y a pas l'intuition alors il manque une jambe à la recherche scientifique. Je pense que parmi le nombre de gens que nous sommes peut-être qu'il y en a qui possèdent ces capacités de recherche intérieure, peut-être qu'il n'y en a pas. Mais est-ce que vous y croyez ? C'est un aspect très important de l'étude de la médecine chinoise. Il y avait quelqu'un qui m'a demandé quelles étaient les conditions pour étudier la médecine chinoise. Je pense qu'il faut cette condition, dans le cas où tu ne sais pas comment faire, croies-tu qu'il y ait l'existence d'une telle chose ?
L'expérimentation intérieure finalement c'est quel état des choses ? Liang Qichao a dit une phrase très juste : “la compréhension du cœur utilise la vérité du Ciel”. Le professeur Yang Zhenning a aussi cité cette phrase dans une conférence. La compréhension du cœur n'est pas une simple compréhension du cœur, pour obtenir cette compréhension du cœur ce n'est pas quelque chose de facile. La compréhension du cœur en réalité est un état lorsqu'on possède déjà l'expérimentation intérieure. Avec la compréhension du cœur on peut inspecter l'interne et observer l'envers, les canaux des jingluo sautent aux yeux, vous pouvez effectuer le travail de l'expérimentation intérieure. Pourquoi dit-on que c'est une expérimentation intérieure ? Parce qu'elle ne s'effectue pas en dehors du corps.
Tout le monde sait que Zhang Zhongjing dans la préface du Shanghanlun mentionne un livre, le nom de ce livre est Tailu yaolu 胎胪药录. Avant on pensait que comme il y avait un livre qui s'intitulait Luxin jing 颅囟经 qui traite de maladies pédiatriques et comme il y a le caractère tai 胎 qui désigne le fœtus, l'embryon alors naturellement on a pensé que c'était un livre qui traitait de l'utilisation des remèdes pour la pédiatrie. Si on utilise la langue moderne pour traduire le titre de cet ouvrage on pourrait dire Grand traité de pharmacopée pédiatrique. Mais, si on fouille l'histoire on sera au clair, avant les Han de l'Est se peut-il qu'il y ait un ouvrage qui traite spécialement des traitements des pathologies pédiatriques en pharmacopée ? Le Shennong bencao jing divise seulement les produits en supérieurs, moyens et inférieurs et ne divise pas en neike (médecine interne), waike (médecine externe), fuke (gynécologie), erke (pédiatrie) ; arrivé à la dynastie Ming dans le Bencao gangmu les produits sont divisés en catégorie bois, catégorie herbes, catégorie minéraux, catégorie animaux, etc. Donc à partir de ces connaissances usuelles on ne peut pas réfléchir de cette manière à propos du Tailu yaolu. Mais alors quel genre de livre est le Tailu yaolu ? Tai胎 ne désigne pas ici 胎儿le fœtus ou l'embryon, mais il désigne 胎息taixi, qui est une sorte d'état respiratoire que l'on a lorsqu'on fait un retour à la période foetale. Lorsque qu'une personne entre en état de respiration foetale, l'état de compréhension du cœur est naturellement produit et elle possède aussi les conditions nécessaires à l'introspection, et à ce moment l'expérimentation intérieure peut être mise en place. À ce moment là ta compréhension des herbes est vraie, après avoir pris les produits de pharmacopée, leurs natures et saveurs, leur circulation dans les méridiens, dans quelles parties ils ont quelles actions, tout ceci est très clair et évident. Ainsi lorsque les anciens parlent de nature et de saveur des produits, de méridiens destinataires, toutes ces connaissances ne viennent pas du tout de la réflexion, mais c'est réellement expérimenté. Alors le Tailu yaolu est un document de la mise par écrit des processus d'action des produits médicinaux à l'intérieur du corps, avec la condition préalable d'être capable d'entrer en état d'expérimentation intérieure.
Par conséquent, la culture traditionnelle, et spécialement la construction des théories de la médecine chinoise, sont produites par la combinaison de la réflexion par la raison et de l'expérimentation intérieure. Donc, on ne peut pas accepter d'entendre dire que la médecine chinoise utilise seulement la réflexion et n'utilise pas l'expérimentation. On peut seulement accepter d'entendre que la médecine chinoise n'a pas d'expérimentation extérieure comme celle pratiquée de nos jours (en science moderne).
d. L'application de la théorie.
Après la production des théories de la médecine chinoise, comment sont-elles mises en pratique ? La mise en pratique des théories pose un problème technique. Nous pouvons diviser les domaines de la science moderne en trois grandes parties, la branche de la théorie fondamentale, la branche technique et la branche de l'application pratique. Qu'est-ce que la branche technique ? C'est un pont, un intermédiaire entre les théories fondamentales et les applications pratiques. Pourquoi la science moderne est aussi appelée science technique ? Parce que l'influence réciproque de ces deux domaines est trop grande, il y a des fois où c'est la science qui détermine la technique, il y a des fois où c'est la technique qui détermine la science. Par exemple pour les études sur la structuration de la matière s'il n'y a pas de théorie ça ne marche pas ; mais pour dépasser la théorie s'il n'y a pas de d'accélérateur de particules très rapide et à haute énergie, ça ne marche pas non plus. Donc, la science et la technique s'entraide et se produisent mutuellement. Mais dans la culture traditionnelle il y a un phénomène étrange qui est qu'entre la théorie et l'application pratique il manque une technique au sens moderne du terme, entre la théorie et la pratique il n'y a pas d'intermédiaire, il n'y a pas de pont. Nous voyons dans la médecine moderne qu'entre la théorie et la pratique il y a un imposant intermédiaire technique, toute les sciences modernes, la physique, la chimie, la biologie sont toutes au service de cette intermédiaire, c'est ce qui fait que l'application des théories médicales peuvent changer très aisément. De nos jours très peu de médecins utilisent encore les trois méthodes d'examens d'observation, de palpation, d'audio-olfaction, pour diagnostiquer une maladie, et ce qui le remplace c'est ce colossal intermédiaire technique, cette série de tests physiques et chimiques. Et la médecine chinoise alors ? Nous n'avons pas un tel intermédiaire. L'application de la théorie, la valeur théorique de la réalisation, pour tout ceci nous pouvons juste compter sur nous-même pour connaitre à fond les intentions de quelqu'un, compter sur nous-même pour tout saisir, et ceci apporte une très grande difficulté.
Donc, s'il faut parler de la différence entre la culture traditionnelle et la science moderne, je pense que la plus grande différence est ici. Dans la science moderne, il y a un intermédiaire technique entre la théorie et la mise en pratique qui vient aider à réaliser la valeur théorique. Et dans la culture traditionnelle, surtout dans la médecine chinoise il n'y a pas de tel intermédiaire. Lors de la mise en pratique de la théorie on ne peut que compter sur ce que peut saisir directement l'acteur principal. Et combien cet acteur principal peut-il saisir d'information ? Comme le processus technique de la science moderne peut entièrement être produit à partir de l'essence de la science, et une fois que a technique est produite, on peut effectuer un grand nombre de reproduction, et ce processus peut être effectué par de simples techniciens. Qian Xuelin a fait les missiles téléguidés, mais il n'est pas nécessaire qu'il soit présent en personne pour construire les missiles. Après que les experts en informatiques aient inventé les ordinateurs il n'est pas nécessaire qu'ils aillent fabriquer les ordinateurs un par un. Les techniciens peuvent les aider à accomplir ce processus. Donc, la technique moderne est une chose très pratique, elle peut nous aider, et faire devenir réalité la plus avancé des théories. Donc en présence de la science moderne, on peut reproduire son essence. Mais dans le domaine de la tradition ce n'est pas aussi commode. Si bonne soit une théorie, si tu ne peux pas la saisir c'est égal à zéro. C'est comme si maintenant nous saisissons la théorie de la relativité, nous pouvons en retirer quel résultat ? Nous pouvons tous réfléchir à cela, si nous mettons la théorie de la relativité devant toi, tu pourrais en tirer quoi ? J'ai du mal à m'imaginer ce problème. Si tu ne peux rien en faire sortir, peut-on dire pour autant que cette théorie de la relativité est arriérée et qu'Einstein est une catastrophe ? C'est ce problème auquel fait face la médecine chinoise, elle est en retard sur ce maillon là, mais ce n'est pas pour cela qu'elle est réellement en retard. Parce que dans l'histoire il y a de nombreux exemple de la réussite dans l'application de ses théories, elle a réussi à mettre en pratique sa “bombe atomique” et ses “ordinateurs” qu'elle avait fabriqué. Donc nous devons avoir l'esprit lucide, pour bien réfléchir aux problème cités ci-dessus. Après avoir réfléchi clairement, nous pourrons nous apercevoir à quel endroit apparaît le problème, est-ce que le problème apparaît dans le maillon de la théorie ou dans un autre maillon.
Après avoir traversé la discussion ci-dessus, n'est-ce pas que tout le monde est capable de construire ce genre de connaissance : pour cette science qu'est la médecine chinoise, le problème n'est pas du tout au niveau des théories, la théorie n'est pas du tout en retard par rapport à la clinique, réellement ce n'est pas du tout comme ça que ça se passe. Une fois que tu auras pénétrer dans la théorie de la médecine chinoise, tu pourras la ressentir, tu pourras en profiter, comment encore dire qu'elle est en retard ?
Maintenant, si nous avons une telle connaissance commune : le problème de la médecine chinoise ne se situe pas au niveau de la théorie. Puisque le problème ne se situe pas au niveau théorique, alors pourquoi est-ce qu'apparait aujourd'hui cette situation ? Et bien il faut aller chercher la raison en notre propre personne. Comment est notre compréhension des théories de la médecine chinoise ? Maitrisons-nous correctement l'application clinique des théories de la médecine chinoise ? Je me souviens qu'en 1987 mon maitre avait reçu en consultation un cas de pneumothorax sanguin 血气胸, le patient avait reçu une semaine de traitement conservatif en médecine occidentale et la situation de la pathologie ne s'était pas atténuée, il avait toujours une forte fièvre qui ne partait pas, difficulté respiratoire, le poumon gauche était réduit au 2/3. dans ce genre de cas la médecine occidentale ne pouvait que recourir à la chirurgie pour traiter. Mais le patient lui-même et sa famille ne voulait pas abandonner l'espoir d'un traitement conservatif, et le patient vient donc consulter mon maitre. Après le diagnostic mon maitre pensa que c'était une maladie de yangming, provoquée par la non descente de yangming, il fallait seulement utiliser une méthode pour rétablir la fonction de descente de yangming, et le problème du pneumothorax sanguin se résoudrait de lui-même. Il prescrivit : yuzhu 120g, chenpi 120g, baizhi 120g, dazao 120g, seulement ces quatre produits. Après la prise de la formule le patient eut une forte diarrhée, et ressenti par lui-même que les symptômes s'atténuaient ; le quatrième jour la température revint à la normale, après une semaine le pneumothorax sanguin était complètement résorbé, et le poumon gauche rétabli comme à l'origine. Quelle relation y a-t-il entre le pneumothorax sanguin et le yangming ? Apparemment c'est entièrement une question de perception par l'intelligence et d'application de techniques ingénieuses, et ce n'est pas un problème propre à la théorie. La théorie des classiques a pu résoudre les problèmes du 20ème siècle mais peut aussi résoudre les problèmes du 21ème siècle."
Institut Liang Shen de Médecine Chinoise
Boulevard de la Tour , 4
1205 Genève